Que reste-t-il lorsque la mémoire des moments d’avant a disparu ? Ne reste t-il qu’à vivre la suite des moments présents ?
Certains de nos lieux, de nos maisons, semblent n’être destinés qu’à la succession des instants, fugitifs. La « vie moderne » a inventé des espaces livrés à l’attente, au désœuvrement, et destinés à dompter l’impatience. Les salles d’attente des hôpitaux, des administrations, les salles de concert, les stades, les espaces publics en général, rassemblent des dizaines, des centaines, des milliers de corps et de visages pris dans l’interrogation d’un être ensemble hasardeux et fugace. Que l’on se retrouve momentanément rapprochés, dans le même séjour, dans l’espoir de la résolution d’un problème, intime, financier, juridique, de santé, ou que la réunion de nos corps précède dans la fébrilité le partage à venir d’une émotion musicale ou théâtrale, nos singularités ont du mal à résister à l’embarras de soi, à la dictature du comportement. Ici et là, les regards se croisent, glissent le plus souvent les uns contre les autres. Il s’agit que notre liberté ne soit pas compromise dans l’interprétation d’un coup d’œil.