Pour Mathieu Riboulet

Il y a, dans les livres de Mathieu Riboulet, ce regard d’extra-lucide que l’on admire chez celles et ceux qui le possèdent, et que l’on finit par redouter pour soi-même. Comment aura-t-il regardé ce qui l’attendait, lors de ce dernier jour de sa vie, lui, l’infatigable sondeur de vie et guetteur de mort ? Le chantier d’un corps malade, en souffrance, semble parfois insurmontable. Dans la résidence qui nous est confiée de notre corps, l’une ou l’autre des parties de soi décide. Ce lundi soir de février, tard dans la soirée et dans l’épuisement, Mathieu a soigneusement fermé la porte, et laissé la maison vide.

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Le petit garçon sur la plage

Pierre Demarty
Le Petit garçon sur la plage
Éditions Verdier

Comme un préalable, il y aurait l’impérieuse nécessité de rendre compte. Il y aurait aussi et probablement celle de dire son désarroi. Il y aurait le désir de laisser l’écriture faire ce lien tendu entre soi et le monde, entre l’histoire du monde et sa propre histoire. La littérature a toujours voulu être le lieu de cette tension difficile, de ces paris impossibles. Plus encore lorsque le monde, pris dans la spirale de violences chaque jour nouvelles, échappe au regard et à la raison. Continuer la lecture

Lettre à Armand Gatti

Lettre à Armand Gatti, au nom de la conscience.

Par Claude Faber

Tu es parti alors que certains s’entre-déchirent pour prendre le pouvoir. Dante Sauveur Gatti,  dit Armand, tu n’avais que faire des batailles électorales. Comme tu aimais à le répéter, « ce n’est pas la prise de pouvoir qui importe, c’est la prise de conscience. »

La prise de conscience de soi par les mots, par le langage. La prise de conscience de soi et des autres comme autant de particules virevoltant dans l’infini. La prise de conscience du monde par une vraie connaissance et reconnaissance des flux de son histoire. Par le rejet de tout ce qui avilit, de tout ce qui abaisse, de tout ce qui enferme l’homme dans les certitudes et les vérités étouffantes. Continuer la lecture

Hommage à Armand Gatti

Hommage à Armand Gatti (1924 – 2017)

par Christian Thorel

La main gauche soutenant une pile de livres d’art, composée de plusieurs volumes dans l’Univers des formes, l’homme fait un séjour de quelques minutes devant le rayon de littératures d’extrême-orient, la main-droite se saisissant des traductions du chinois. Depuis l’accueil dans l’entrée de la librairie, je l’observe de biais, il séjourne à une dizaine de mètres de moi, de l’autre côté, à l’entrée du minuscule couloir qui mène aux autres rayons de la librairie. Un pull à col roulé, noir, un pantalon de velours côtelé, noir aussi, semblent indiquer une certaine insouciance du vêtement, sans négligence toutefois.

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Carte de vœux 2017

A l’occasion de la nouvelle année, la librairie Ombres Blanches vous offre Lacunaire, une nouvelle de Michel Jullien, extraite du recueil Au bout des comédies, publié en 2011 par les éditions Verdier. Nous sommes heureux de vous offrir cette lecture, en guise de carte de vœux pour l’année 2017, avec tous les espoirs que la littérature permet.

Cliquez sur la couverture pour télécharger le livret gratuitement:

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Denise au Ventoux / Verdier

Il y a dans les pages de Denise au Ventoux quelque chose comme les accents d’une schizophrénie. Cela procèderait de l’interrogation de l’animalité, qui est au cœur des pages de ce livre, mais plus encore de la part animale que l’auteur traque dans son narrateur, une part animale qui en serait la plus sensible, la plus attentive aux êtres et à la vie. De même qu’il existerait deux champs d’observation pour Paul, le narrateur, celui d’abord des humains et de leur cirque quotidien, celui ensuite qui obsède son regard, capturé par les signes d’intelligence de Denise, la chienne dont il hérite « provisoirement » et naturellement, de même le roman, qui fait le récit de cette liaison entre homme et chien(ne), est-il divisé en deux approches du genre romanesque.

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« Mourir et puis sauter sur son cheval » – David Bosc – Éditions Verdier

Dans une note à son livre, David Bosc écrit : « Cette histoire de Sonia est née d’un passage des carnets du poète Georges Henein : « S.A s’est suicidée au mois de septembre, a Londres, en se jetant dévêtue d’un troisième étage.»
Sonia A. est espagnole, elle vit à Londres. Mourir et puis sauter sur son cheval porte sa voix :

« Chevaux de fiacre portant œillères, chevaux de force aux yeux bandés et dont les naseaux s’ouvrent tant et plus au-devant de la route, comme à vouloir humer la lumière et les formes. Londres est aux chevaux, qui tolèrent sous leur ventrière l’existence des chiens, des chats, des rats, la course des uns derrière les autres, la drouille pour la pitance et les jeux du flair, les chiens, les chats, les rats, ces petits animaux qui, à la différence des bêtes de somme, s’accouplent sans assistance ni autorisation. » p.37

Dans Mourir et puis sauter sur son cheval, vers libre d’Ossip Mandelstam, la vie et la mort se croisent et se courent après. La phrase de David Bosc projette dans son élan des images puissantes, mouvantes et libres et l’histoire défile, elle aussi, entièrement libre et fulgurante, sur les pas de Sonia A. Continuer la lecture

Solène de François Dominique

Les ombres sont un thème majeur de la littérature. Pour s’en assurer, on pourra retrouver combien elles ont inspiré les écrivains dans la volumineuse bibliographie qui leur est consacrée dans le site de la librairie Ombres blanches.
Ici, dans ce roman lumineux, au titre volontairement aveuglant de Solène, les ombres ont le mauvais rôle, comme souvent. Tout est pourtant en place pour que les personnages vivent leur réclusion autrement que dans l’angoisse de la plupart des huis-clos romanesques. Continuer la lecture