« Mourir et puis sauter sur son cheval » – David Bosc – Éditions Verdier

Dans une note à son livre, David Bosc écrit : « Cette histoire de Sonia est née d’un passage des carnets du poète Georges Henein : « S.A s’est suicidée au mois de septembre, a Londres, en se jetant dévêtue d’un troisième étage.»
Sonia A. est espagnole, elle vit à Londres. Mourir et puis sauter sur son cheval porte sa voix :

« Chevaux de fiacre portant œillères, chevaux de force aux yeux bandés et dont les naseaux s’ouvrent tant et plus au-devant de la route, comme à vouloir humer la lumière et les formes. Londres est aux chevaux, qui tolèrent sous leur ventrière l’existence des chiens, des chats, des rats, la course des uns derrière les autres, la drouille pour la pitance et les jeux du flair, les chiens, les chats, les rats, ces petits animaux qui, à la différence des bêtes de somme, s’accouplent sans assistance ni autorisation. » p.37

Dans Mourir et puis sauter sur son cheval, vers libre d’Ossip Mandelstam, la vie et la mort se croisent et se courent après. La phrase de David Bosc projette dans son élan des images puissantes, mouvantes et libres et l’histoire défile, elle aussi, entièrement libre et fulgurante, sur les pas de Sonia A.

« Le black-out ! Mais c’est la nuit retrouvée, et tous ses alentours à la lenteur des astres : le crépuscule du soir, la lune qui chavire, paupière mi-close, l’aube mouillée dans le brouillard, le ciel qui s’infuse de toutes les teintes de l’hématome, a présent que s’éloigne l’atrocité des bombardement. » p.63

Ce roman se compose de quelques documents d’époque, articles de presse du Daily Express et du Sunday Express de 1945, d’une photographie puis du journal fictif de Sonia. C’est une vie d’urgence et d’inquiétude qui se fixe dans des images d’une beauté hypnotique, parfois troublantes, aux marges du romantisme ou du surréalisme. Sonia Araquistain vit dans un monde éblouissant et sauvage.

« Seul me porte vers les livres le désir d’y trouver ce que je ne soupçonnais pas, et c’est pourquoi je déteste les faiseurs de bouquins, les romances ficelées, cousues d’astuces, farcies de diables à ressort, de piégés à souris. Je leur préfère le bruit du tram ou les écrits intimes, les chroniques fragmentaires, la philosophie, les recueils d’anecdotes. Ou le décompte que fit de ses chemises, dans la marge d’un sonnet, le pauvre Baudelaire. Il me semble qu’on doit écrire : dire, crier, murmurer, et mille fois s’il le faut. Dit-il, dit-elle, dit-il. Lorsque je lis « expliqua-t-elle » ou « se justifia-t-il », j’en ai le cœur qui se soulève. » p.32

Ce livre, édité chez Verdier, laisse une empreinte sur son lecteur, une marque qui pourrait être révélée par une autre image écrite par Georges Henein dans La ville comprise :

« La nuit était lourde et sans relief. Elle mangeait les voix. Elle rapetissait certaines choses. A d’autres, elle conférait un recul inouï, inquiétant. Il ne fallait pas songer à se rapprocher des poignées de portes. C’était une nuit idéale pour les troubles de la vue. »
 

Thomas.
 
Mourir et puis sauter sur son cheval
 
Mourir puis sauter sur son cheval 
David Bosc – Editions Verdier

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