
Ce roman, 10:04, ne serait qu’une fiction si l’auteur, Ben Lerner, ne ressemblait pas de très prés à son personnage. Ce livre met en scène un certain Ben, vivant à Brooklyn, qui a écrit un premier roman remarqué et qui s’inquiète de l’écriture du second. Précisons tout de suite que ce roman trouve son origine dans une nouvelle que notre personnage-narrateur a publié dans le New Yorker. De l’autofiction (l’auteur absorbé par son roman) à un roman purement fictif (à priori cette nouvelle est une fiction), Ben Lerner mène un jeu serré entre écriture du réel et illusion romanesque. Le narrateur nous raconte de multiples histoires mais derrière ces aventures se cache l’interrogation, et même l’angoisse, de l’écrivain contemporain d’appréhender le réel avec un regard neuf. En effet, la progression de ce roman se détourne et se fractionne en récits successifs, réels ou fictifs en faisant référence (surtout dans les 30 premières pages) au film Retour vers le futur (10:04 est l’heure à laquelle la foudre frappe l’horloge du tribunal qui permet à Marty de rentrer en 1985). Continuer la lecture
L’émission de Laure Adler avec Laurent Mauvignier du 29 Septembre dernier débuta avec une chanson de Neil Young. Cette ballade folk était très bien choisie pour introduire la conversation car il y a dans cette chanson comme dans les romans de Laurent Mauvignier de la tendresse et une proximité avec des personnages que l’on imaginent sur le départ où sur le retour et qui se battent contre les vacheries de la vie. Continuer est un roman qui explore des espaces, géographiques et intimes, et le lien qu’ils entretiennent avec les personnages me fait naturellement penser à la littérature américaine. Alors, avec la voix de Neil Young en prime, il m’est difficile de ne pas penser que Laurent Mauvignier est aussi, à sa façon, un écrivain américain.


Depuis ses origines, la littérature se présente en grande partie comme un moment d’exploration de mondes inconnus. Pensons à Ulysse, aux voyages de Gulliver de Swift ou encore à Cervantes ou Stevenson. Tous ces personnages, ces héros qui se retrouvent confrontés au dépaysement, contraint au dépassement de soi sont des guides pour le lecteur. La littérature se nourrit de ces errements, de ces nouvelles routes, de ces éblouissement des rivages neufs, bref de ce grand ailleurs. 
« Je n’ai pas de souvenirs d’enfance » : je posais cette affirmation avec assurance, avec presque une sorte de défi. L’on n’avait pas à m’interroger sur cette question. Elle n’était pas inscrite à mon programme. J’en étais dispensé : une autre histoire, la Grande, l’Histoire avec sa grande hache, avait déjà répondu à ma place : la guerre, les camps.»
Mesure de nos jours

