Exposition « Calligraphies et Ensemblages » de François Leroy

Au Café Coté Cour du 23 avril au 10 mai 2016 : Exposition « Calligraphies et Ensemblages » de François Leroy.  Vernissage le vendredi 29 avril à 18h

« C’est le format que je perçois au premier regard, parce qu’il surprend. Un format inhabituel, de type pancarte : de longs rectangles, à l’horizontale ou à la verticale. Ce sont des planches de bois, plus ou moins brut. Le bois se débite en longueur, comme l’écriture. Le morceau de bois, la planche, n’est pas seulement une surface, c’est presque une chose. Par son épaisseur, et par son poids surtout, il a davantage de consistance qu’un tableau ordinaire. Il est plein, massif.

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À mieux y regarder : cela me fait davantage penser à des phylactères. Des fragments de peintures médiévales sur panneau de bois, comme des fragments de retables peut-être. À l’épaisseur de la matière, s’ajoute l’épaisseur du temps, un sentiment de durée, de mémoire. Cette seconde impression est renforcée, sur certaines peintures, par la superposition des phrases, ou des fragments de phrases, qui peut évoquer le palimpseste : accumulation des strates et des mémoires.

François Leroy est calligraphe : il trace des lettres, il file l’écriture au pinceau. Une ligne plutôt claire, assurée, à main levée. C’est là le talent du peintre : sa main est habile, habituée, éduquée. Une régularité vivante : la régularité du végétal. Cette régularité souple des formes qui se reproduisent à l’identique, dans le mouvement, l’élan de la vie / le geste de la main. Il ne s’y trouve rien de raide, ni dans la courbe, ni dans le trait. Ce n’est pas l’écriture rigide et sclérosée des capitales, mais l’épanouissement de formes d’une régularité libre, qui n’est pas celle de la machine, de la presse mécanique et du métal. C’est la souplesse dans la régularité : « le plus souple en ce monde / prime le plus rigide » (Lao Tzeu, La Voie et sa vertu, § 43) Justesse et précision de la main : sans l’aide ni la gouverne d’aucun instrument.calligraphie 2

L’écriture occupe l’espace, elle se dissémine, François Leroy travaille «à la manière d’un joueur de go». Il avance pied à pied, en essayant de circonvenir le vide. Lorsque l’écriture court et se courbe, les boucles des lettres capturent le vide d’où semble naître le sens. Des pleins et des déliés. La lettre entre en harmonie avec l’espace où elle se déploie, comme le faisait remarquer Valéry à propos du Coup de Dés de Mallarmé :

« Une page, dans son système, doit, s’adressant au coup d’oeil qui précède et enveloppe la lecture, “intimer” le mouvement de la composition ; faire pressentir, par une sorte d’intuition matérielle, par une harmonie préétablie entre nos divers modes de perception, ou entre les différences de marche de nos sens, ce qui va se produire pour l’intelligence. » ( Variété, II )

Et Mallarmé, dans une lettre à Gide :

« La constellation y affectera, d’après des lois exactes, et autant qu’il est permis à un texte imprimé, fatalement une allure de constellation.»

Ces deux poètes poursuivent l’idéal, chacun sur son propre chemin, de restaurer l’unité parfaite du fond et de la forme, l’unité de la lecture et de la vision, de la pensée et de la matière, ou encore de l’esprit et de la lettre. Il y a aussi une tentative de ce genre, à ce qu’il me semble, dans les œuvres de François Leroy, mais sans la solennité minutieuse d’un Mallarmé, ni la préciosité hautaine d’un Valéry. Ce qui est davantage à mon goût.calligraphie

Je vois une nonchalance de bon aloi, chez l’artiste et dans ses œuvres. Quelque attitude, qui, encore une fois, m’évoque la souplesse du Tao : trop d’effort ruine tout ouvrage. L’œuvre parfaite s’exécute toute seule, d’elle-même et sans nulle peine. Le non-agir a plus de puissance que la force. Il engendre, elle détruit.

« Quand le boucher du prince Wen-houei dépeçait un boeuf (…) Il enfonçait son couteau avec un tel rythme musical qui rejoignait parfaitement celui des célèbres musiques qu’on jouait pendant la “danse du bosquet des mûriers” (…) Celui qui sait enfoncer le tranchant très mince dans ces interstices (entre les os et les tendons) manie son couteau avec aisance parce qu’il opère à travers les endroits vides. » ( Tchouang Tseu, Principe d’hygiène. )

Les tableaux de François Leroy sont des œuvres hybrides, produits de l’idiosyncrasie de cet artiste aux influences multiples. Ici, la Peinture se marie à la Calligraphie. À leurs Noces sont conviés : le calligramme, la typographie, l’idéogramme, et même… le bricolage et l’humour.

Il y a bien d’autres réflexions qui naissent de ces peintures, mais cela nous éloignerait du véritable sujet, par trop d’abstractions ; et les propos des philosophes sur l’art ( a fortiori ceux des professeurs de philosophie ! ) sont comme les plaisanteries : les plus courtes sont les meilleures. »

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Sylvain Maurel

2 réflexions sur « Exposition « Calligraphies et Ensemblages » de François Leroy »

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