Depuis ses origines, la littérature se présente en grande partie comme un moment d’exploration de mondes inconnus. Pensons à Ulysse, aux voyages de Gulliver de Swift ou encore à Cervantes ou Stevenson. Tous ces personnages, ces héros qui se retrouvent confrontés au dépaysement, contraint au dépassement de soi sont des guides pour le lecteur. La littérature se nourrit de ces errements, de ces nouvelles routes, de ces éblouissement des rivages neufs, bref de ce grand ailleurs. 
Baudelaire résume très bien ce que l’on est en droit d’attendre d’une telle littérature dans son poème Le voyage :
« Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme des mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires
Ces bijoux merveilleux, faits d’astres et d’éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l’ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons. »
Ces lectures sont autant d’invitations à la découverte de ces paysages du monde… Le roman d’aventure est une des portes ouvrant la voie vers ces mondes inconnus.
 L’ancêtre
Juan José Saer, Le Tripode, 2014
L’Ancêtre est un roman inspiré d’une histoire réelle. En 1515, trois navires quittent l’Espagne en direction du Rio de la Plata, vaste estuaire à la conjonction des fleuves Paraná et Uruguay. À peine débarqués à terre, le capitaine et les quelques hommes qui l’accompagnent sont massacrés par des Indiens. Seul un mousse en réchappe. Fait prisonnier, il n’est rendu à son monde que dix ans plus tard, à l’occasion du passage d’une autre expédition. De ce fait historique, Juan José Saer tire une fable d’une écriture éblouissante.
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Laure Bataillon.
								
« Il est une légende qui touche de très près au sens profond de la vie : c’est la légende d’un moine qui traversait un bois, y entendit un oiseau se mettre à chanter, l’écoutât le temps d’un trille ou deux et se retrouva à son retour comme un étranger aux portes de son couvent, car il était parti depuis cinquante ans et de tous ses compagnons un seul restait qui pouvait le reconnaître. »
À l’été 1953, un jeune homme de 24 ans, fils de bonne famille calviniste, quitte Genève et son université, où il suit des cours de sanscrit et d’histoire médiévale puis de droit, à bord se sa Fiat Topolino. Nicolas Bouvier a déjà effectué de courts voyages ou des séjours plus long en Bourgogne, en Finlande, en Algérie, en Espagne, puis en Yougoslavie, via l’Italie et la Grèce. Cette fois, il vise plus loin : la Turquie, l’Iran, Kaboul puis la frontière avec l’Inde. Il est accompagné de son ami, Thierry Vernet, qui documentera l’expédition en dessins et croquis.
« Je n’ai pas de souvenirs d’enfance » : je posais cette affirmation avec assurance, avec presque une sorte de défi. L’on n’avait pas à m’interroger sur cette question. Elle n’était pas inscrite à mon programme. J’en étais dispensé : une autre histoire, la Grande, l’Histoire avec sa grande hache, avait déjà répondu à ma place : la guerre, les camps.»
Mesure de nos jours
« A propos du roman américain : il vise à l’universel. Comme le classicisme. Mais alors que le classicisme vise un universel éternel, la littérature contemporaine, du fait des circonstances (interpénétration des frontières) vise à un universel historique. Ce n’est pas l’homme de tous les temps, c’est l’homme de tous les espaces. »
Sukkwan Island
L’Ouest des États-Unis est davantage considéré comme un lieu cinématographique que comme un lieu littéraire. Cela tient peut-être au fait qu’à l’origine, ce grand Ouest est une terre de défricheurs et de pionniers : un rêve d’Eldorado !

« Le Bavard, publié en 1946, remanié en 1963, pure contamination des mots les uns avec les autres, étend cette contagion avec une rage qui offre peu d’exemples à l’ensemble des protagonistes du drame, gagne à sa cause délétère les figures mêmes de l’auteur et du lecteur, provoquant de la sorte un rare et extraordinaire malaise. » Les éditions Gallimard.