LA FAMILLE

30486805-vieilles-lettres-et-photos-de-famille-anciennes-originaux-images-vintages-de-ca-1900Nabokov au début de Ada ou l’ardeur nous rappelle l’incipit du roman de Tolstoï Anna Karenine :

« Toutes les familles heureuses sont plus ou moins différentes, toutes les familles malheureuses se ressemblent plus ou moins. »

 

C’est donc avec la famille, les pères, les mères, les enfants, tout ce qui fait le terreau de ce que nous sommes en bien comme en mal que nous vous invitons à passer la fin de l’année.

Et puis la famille c’est aussi celle qu’on se choisit, celle qu’on décide d’avoir. En cela la grande communauté des écrivains peut en être une…


 
marin
Marin mon cœur
Eugène Savitzkaya, Minuit, 2010

Dans ce livre, tout se passe pour la première fois. Marin découvre le monde et le monde découvre Marin. Marin ou une partie de Marin peut se dissoudre dans l’eau et s’élever dans l’air. Marin est hypnotisé par un chat. Marin oblige la mer à s’aplatir. Marin mange du poisson et Marin mange de la terre. Le riz fait rire Marin. Marin ou une partie de Marin s’enfuit en carrousel. Qui est Marin et de quoi est-il fait ? À ces deux questions, il n’existe qu’une réponse. Mais l’auteur préfère donner sa langue au crapaud-buffle.

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LES AMÉRIQUES : LES GRANDS ESPACES

800x520-USA-EDCP-A-H-R« A propos du roman américain : il vise à l’universel. Comme le classicisme. Mais alors que le classicisme vise un universel éternel, la littérature contemporaine, du fait des circonstances (interpénétration des frontières) vise à un universel historique. Ce n’est pas l’homme de tous les temps, c’est l’homme de tous les espaces. »

Ces phrases d’Albert Camus (tirées de ses Carnets) datent de 1943 et semblent toujours aussi actuelles, tant il semble encore vrai que le roman américain est – pour une grande part – une affaire d’espace littéraire. Parmi les motifs récurrents du roman américain, il y a bien sûr le fameux mythe de la frontière, et puis l’immensité d’un territoire et d’une nature dominants par bien des égards.

La littérature qu’on appelle «des grands espaces » de Wallace Stegner à Jim Harrison est une littérature qui sait aussi se souvenir de ce sel de la terre qu’on été les indiens des plaines. Ils nous donnent à lire des œuvres empreintes de ce que Jack London nommait « the call of the wild » : l’appel sauvage.

 


vannSukkwan Island
David Vann, Gallmeister, 2011

Une île sauvage du sud de l’Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, tout en forêts humides et montagnes escarpées.

C’est dans ce décor que Jim décide d’emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs personnels, il voit là l’occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu’il connaît si mal. Mais la rigueur de cette vie et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar, et la situation devient vite incontrôlable. Jusqu’au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin.

Couronné par le prix Médicis étranger en 2010, Sukkwan Island est un livre inoubliable qui nous entraîne au cœur des ténèbres de l’âme humaine.

Traduit de l’anglais par Laura Derajinski

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LES AMÉRIQUES : L’OUEST

L’Ouest des États-Unis est davantage considéré comme un lieu cinématographique que comme un lieu littéraire. Cela tient peut-être au fait qu’à l’origine, ce grand Ouest est une terre de défricheurs et de pionniers : un rêve d’Eldorado !

Il est toutefois aujourd’hui devenu un lieu de fiction par l’impulsion de grands écrivains comme Cormac McCarthy, Raymond Carver ou encore Richard Brautigan.

 


pelouseLa vengeance de la pelouse
Richard Brautigan, Christian Bourgois, 2002

« J’ai examiné des petits bouts de mon enfance. Ce sont des morceaux d’une vie lointaine qui n’ont ni forme ni sens. Des choses qui se sont produites comme des poussières. « 

Quand ce recueil a paru aux États-Unis, Brautigan avait à peine plus de trente-cinq ans, parvenu  » à mi-chemin « , au lieu et temps des bilans, peut-être, et des nostalgies. Aucun autre livre de Brautigan n’est aussi chargé du lyrisme des souvenirs d’enfance, ni aussi marqué de cette sereine fraîcheur, exempte de toute complaisance, dont il est toujours tant loué.

Ces soixante-deux courts textes, qu’on hésite à appeler nouvelles, sont autant de petites victoires sur les ruses du sort et du temps, et sur soi-même, une succession d’instants privilégiés où l’étrange impassibilité du conteur réalise l’alliance tranquille du malheur et de la blague, jusqu’à ce que telle révélation finale, en forme d’envoi, dissipe l’apparente légèreté du rien, une manière de réconciliation, enfin, avec ses propres amertumes, avec une société américaine en échec, avec l’absurde et le dérisoire de l’univers.

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LES AMÉRIQUES : LE SUD

La littérature des États-unis ne se résume pas, heureusement, à New York ou la côte Est. Ce pays qui a la taille d’un continent à su attirer au cours de son histoire pionniers et aventuriers en tout genre qui sont partis explorer en même temps les territoires du grand Ouest mais aussi du Sud.

Toutefois, la littérature du sud des États-Unis, de la Caroline du sud au Texas en passant par la Floride et le Mississippi, est d’une très grande variété de tons et de formes. On pense bien entendu à des classiques comme Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell ou Les aventures de Tom Sawyer de Mark Twain.

Voici un petit aperçu de quelques grandes voix …


 brigandLe brigand bien aimé
Eudora Welty, Cambourakis, 2014

Il était une fois en Amérique : la piste de Natchez, cet ancien tracé de bisons pareil à un tunnel serpentant sous le toit des forêts vierges du Mississippi, ses chevaucheurs de six pieds six pouces, ses voyageurs, ses trappeurs, leurs visages barbouillés de baies écrasées, ses Indiens tapis derrière les buissons… En ces temps primordiaux, les corbeaux savaient dire : « Retourne-t’en mon cœur, rentre à la maison », et les hérons, couleur de verre de Venise, avaient un goût aussi sauvage qu’une poire sauvage. Au fond des bois, au milieu des chênes verts, des cèdres et des magnolias vivaient Clément Musgrove, planteur innocent, sa fille Rosamonde, belle comme le jour, une marâtre, laide comme la nuit, et Jamie Lockhart, le brigand bien-aimé – le Räuberbräutigam des frères Grimm – de ce conte de fées iconoclaste, drolatique et chatoyant comme une plume de paon.

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LES AMÉRIQUES : New York

Photographie Takayuki Ogawa, 1967

New York on le sait n’est pas vraiment représentatif des États-Unis, c’est une ville surdimensionnée et excessive. Les gratte ciels font tourner les têtes et le gigantisme est le mètre étalon. Mais elle est aussi cette grande ville tentaculaire et monstrueuse où le danger est toujours présent. Bref, NY est un des grands mythes urbains de notre monde contemporain, une ville idéalisée.

Toutefois dans l’imaginaire collectif, la grande pomme comme on l’appelle représente ce que l’Amérique a de mieux à donner. Une projection magnifiée tout autant que fantasmé d’une Amérique triomphante.

Cette courte sélection de lectures n’est qu’un choix parmi d’autres, ils sont une foule à avoir écrit sur  cette ville.

Toutefois, ces choix veulent montrer comment les romanciers, par le biais de la fiction et dans leur pluralité, appréhendent l’espace démesuré de New York. 


Cosmopolis
Don Delillo, J’ai Lu, 2006

Avril 2000. Eric Packer, golden boy comblé qui dirige une influente société de courtage, traverse New York dans sa limousine. Il pose sur le monde qui l’entoure un regard désenchanté, tout en parcourant la ville que paralysent progressivement une série de manifestations collectives. Dans cette atmosphère d’apocalypse, reviennent le hanter des souvenirs qui le conduisent à reconsidérer son existence et à s’interroger sur la personne qu’il est désormais.

Mais il est trop tard : l’homme postmoderne qui voulait se suffire à lui-même n’a plus accès à la réalité qui le frappe alors de plein fouet.

Traduit de l’anglais par Marianne Véron

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LA RECHERCHE DE SOI

« Écrire, c’était la seule chose qui peuplait ma vie et qui l’enchantait. Je l’ai fait. L’écriture ne m’a jamais quittée. » Marguerite Duras

 

Écrire sur soi et pour soi devient au XXe siècle – le siècle de Proust – un enjeu majeur de l’histoire littéraire, jusqu’à ce que l’on nommera l’autofiction. Petit parcours de quelques voix qui se cherchent et qui parfois arrivent à s’entrevoir dans les reflets de l’écriture.


 

Le bavard
Des Forêts, René-Louis, Gallimard, 1978

« Le Bavard, publié en 1946, remanié en 1963, pure contamination des mots les uns avec les autres, étend cette contagion avec une rage qui offre peu d’exemples à l’ensemble des protagonistes du drame, gagne à sa cause délétère les figures mêmes de l’auteur et du lecteur, provoquant de la sorte un rare et extraordinaire malaise. » Les éditions Gallimard.

« Publié au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Le Bavard de Louis-René des Forêt interroge le pouvoir de la parole. Cette œuvre singulière, resté confidentielle à sa parution, est devenue dans les années 1960 un livre de référence pour toute une génération. » Lire la suite de la critique d’Amaury Nauroy.

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Bientôt la rentrée littéraire… Ces quelques Achab

En 2007, le réalisateur Philippe Ramos sortait un film rare et poétique, Capitaine Achab, où il réinventait l’histoire du capitaine du Pequod imaginé par Herman Melville avec Dominique Blanc dans le rôle de l’épouse d’Achab, Denis Lavant en Achab tel qu’en lui-même, Jacques Bonnaffé en Starbuck, Jean-Francois Stévenin en père d’Achab. Librement inspiré de Moby Dick, le film de Ramos construit une biographie fictive du célèbre capitaine baleinier (habité par la folie de Moby Dick), de l’enfance à l’assaut final. Les décors naturels sont beaux. Les paysages français, de la vallée de l’Ubaye (c’est sûr) et peut-être de la Creuse (je n’en suis pas sûr) et les paysages suédois se transforment en espaces nord-américains transcendants et mythiques, sans aucun doute égaux à ceux de la Nouvelle Angleterre de Nathanaël Hawthorne. Ces géographies croisées créent une très belle poésie de l’enfance d’Achab, assez rimbaldienne. C’est un film de peintre car Ramos filme comme un peintre et c’est aussi un film assez expérimental qui pourrait satisfaire ceux qui aiment les tentatives d’essais. Et des essais cinématographiques de Ramos aux Essais fragiles d’aplomb de Pierres Senges (Collection Minimales, Éditions Verticales), la transition, très bancale, est faite. Continuer la lecture

Le numérique peut-il sauver la culture de l’écrit ?

C’est le titre qui a été donné par l’organisation de la manifestation Futurapolis (Le Point) à l’un de ses derniers ateliers, le jour même (samedi 13 avril) où la plus ancienne enseigne de la ville, la librairie Privat, a annoncé sa probable fermeture !
Futurapolis a choisi pour thème la ville de demain. A cet effet, la manifestation aura concentré ses très nombreux intervenants entre l’aéroport, la gare et le centre de congrès. Les congrès sont toujours l’occasion de retrouver l’atmosphère de Playtime, le film prophétique de Jacques Tati ; l’hygiénisme qui y est exhibé, à travers le regard sur une modernité technologique naissante, trouve souvent dans ces manifestations, entre le verre et l’acier, son écho le plus vif. L’image de la ville est enfin débarrassé de son désordre, de ses miasmes, des strates de sa mémoire. Armé de son badge de congressiste, on peut ainsi ne pas pénétrer dans la jungle urbaine, si dangereuse, si « matérielle ». Continuer la lecture

La hausse de la TVA menace le livre et la librairie

Communiqué du Syndicat de la Librairie Française sur la hausse de la TVA pour le livre  :
« Le gouvernement a annoncé un relèvement à 7% du taux réduit de TVA, y compris sur le livre. Le taux réduit de TVA applicable à ce bien devrait donc passer, à compter du 1er janvier 2012, de 5,5 % à 7 %.
Si la nécessité de redresser les finances publiques n’est pas discutable, ce n’est pas en fragilisant l’ensemble d’une filière, en risquant d’entraîner la fermeture de centaines de librairies et en détruisant de très nombreux emplois que cet objectif pourra être atteint. Continuer la lecture

Nouveau site nouveau blog

Le monde du livre est en mutation et ce serait une erreur de ne pas le considérer. Mais le cœur de notre métier reste le livre papier, sa mise en scène, sa lecture, sa critique. Lorsqu’on entre dans une librairie indépendante on y cherche du choix, mais aussi des conseils, personnalisés si possible. Si nous nous adaptons aux nouvelles technologies, nous souhaitons le faire avec nos particularités,  dont le conseil, et l’échange si possible. Ce sera en partie l’objet de ce blog : aux libraires de partager avec les lecteurs, et, nous l’espérons, réciproquement. Ainsi, si vous êtes client de la librairie, peut-être retrouverez-vous votre libraire préféré et construirez-vous ensemble votre bibliothèque idéale. Continuer la lecture