Touriste de Julien Blanc-Gras

Sous forme de petites chroniques géographiques, Julien Blanc-Gras nous montre le Monde, celui qu’il côtoie durant ses pérégrinations. Pour autant il ne s’agit pas ici d’accomplir quoi que ce soit. Les voyages en eux-mêmes n’ont souvent aucun but précis.

« Je ne veux ni conquérir les sommets vertigineux, ni braver les déserts infernaux. Je ne suis pas aussi exigeant. Touriste, ça me suffit. »

Et être touriste c’est avoir l’œil de celui  qui n’est jamais parti. Pour moi Julien Blanc-Gras a fait sienne la citation de Marcel Proust, « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. »  Il a beau avoir parcouru une multitude de pays, admiré des dizaines de paysages,  rencontré des tas de personnes, il semble  porter en lui ce regard vierge à chaque nouvelle destination. Continuer la lecture

Les rêves de l’histoire de Corinne Aguzou

Le roman futur.
Paris 2009. Trois femmes ayant laissé des traces dans l’Histoire reprennent leur rôle.
Pour Margaret rien de plus simple, avion, limousine, chauffeur, garde du corps, secrétaire s’emploieront à rendre l’entreprise la plus agréable possible.
Pour les deux autres, Janis, bateau et Rosa, train, rien de plus compliqué. Comment d’outre-tombe faire entendre à nouveau leurs voix ?
Ce voyage permettra t-il à Margaret de constater l’aboutissement parfait de ses choix politiques appliqués aujourd’hui dans toute l’Europe ? Continuer la lecture

Hymne de Lydie Salvayre

Dans ce magnifique Hymne, l’auteur écrit à propos de la musique qu’elle est un « vertige éphémère ». Quand Lydie Salvayre entend  pour la première fois The star spangled banner par Jimi Hendrix, on est en 1972 et  elle a 20 ans. Dès qu’elle sent la fébrilité automnale l’envahir, elle le réécoute. En 2011 lorsqu’elle décide  d’écrire la vie, et la mort, du guitariste américain, elle publiera Hymne. Dès lors son vertige sera partagé et restera vivant. Continuer la lecture

Les villes de la plaine de Diane Meur

Imaginons un monde, une civilisation qui tiendrait autant de l’Egypte antique que des contes des mille et une nuits, une plaine peuplée par deux villes et bordée de montagnes, royaume des bergers. Sir et Hénab se font face comme deux présences inconciliables. De Hénab, on ne sait pratiquement rien, si ce n’est qu’elle est historiquement le lieu de refuge des réprouvés siriotes. Hénab, ville haïe parce qu’elle n’est pas Sir, à peine un très imparfait reflet : « Hénab n’est qu’une flaque qui s’étend, sans idée, sans contours, tu l’abomines comme l’image même de ce que tu n’es pas », disent les habitants de Sir. Continuer la lecture

Solène de François Dominique

Les ombres sont un thème majeur de la littérature. Pour s’en assurer, on pourra retrouver combien elles ont inspiré les écrivains dans la volumineuse bibliographie qui leur est consacrée dans le site de la librairie Ombres blanches.
Ici, dans ce roman lumineux, au titre volontairement aveuglant de Solène, les ombres ont le mauvais rôle, comme souvent. Tout est pourtant en place pour que les personnages vivent leur réclusion autrement que dans l’angoisse de la plupart des huis-clos romanesques. Continuer la lecture

J’apprends l’hébreu de Denis Lachaud

Pratiquement symétriques, c’est ainsi que nous sommes conçus. Et aussi dotés d’une gravité. D’où naturellement conduits à la recherche d’un centre. Observons nos bébés, en équilibre incertain, bras et jambes en apnée, pris dans les plis de la chair, avant que d’être ces animaux debout, avançant un pied devant l’autre. Alors les ailes se replient, les bras tombent à la verticale et leur balancement accompagne la marche. Et les yeux vont de droite à gauche, ou de gauche à droite, et c’est ainsi que le réel que nous appréhendons semble le mieux à notre portée. Mais sommes-nous bien égaux dans ce rapport à notre latéralité, qui est un rapport au milieu, et qui produit un rapport à l’espace. Marcher droit ne serait peut-être pas donné à tout le monde. Continuer la lecture

Sonietchka de Ludmila Oulitskaïa

Il y a peu j’ai commencé un cycle « auteurs russes » et alors que j’étais en pleine réflexion, ma vénérable (par l’expérience s’entend) collègue me parla en des termes élogieux  de Ludmila Oulitskaïa et de son  premier roman Sonietchka paru en 1996. Ledit roman présentait en effet des atouts intéressants. Son auteure est contemporaine, et hormis Marina Tsvetaïeva, Svetlana Alexievitch et Nina Berberova, la littérature russe traduite au format poche est plutôt avare en écrivaine… en personnage féminin oui, mais en auteure, point ou peu s’en faut. Je m’immergeais donc dans ce court récit d’après guerre centré sur cette femme au diminutif attachant, Sonietchka. Continuer la lecture

Editions Rue des gestes

Rue des Gestes est non seulement le lieu d’une partie de notre librairie, c’est aussi le nom que nous avons donné à la (toute) petite maison d’édition que nous avons liée, voici deux ans, à Ombres blanches.
Quatre livres ont paru sous cette enseigne des Gestes.
Psychanalyse et humanisme, un court et brillant essai du psychanalyste toulousain Henri Sztulman remet les théories de Freud en perspective avec les courants humanistes anciens qui les fondent. Continuer la lecture

127 heures (Plus fort qu’un roc) – Aron Ralston

“L’adversité a pour effet de susciter des talents qui en des circonstances plus favorables, n’auraient pas éclos.” HORACE
“Plus fort qu’un roc”
Qu’est-ce qui m’a poussé à lire ce livre? Je ne sais pas. Cette couverture à l’effigie du film de Danny Boyle ne me disait rien qui vaille. Puis, un jour, laissant de côté mes préjugés, j’ai ouvert le livre. Le sujet piquait ma curiosité.
Un jeune alpiniste expérimenté se retrouve coincé dans un canyon, sa main bloquée par un rocher. Luttant contre la déshydratation et l’hypothermie, il ne lui reste plus qu’une seule solution afin de se libérer, l’amputation.
Ces dernières phrases donnent quelque peu des frissons dans le dos. On se dit : non merci le récit d’un homme qui se coupe le bras, ce n’est pas pour moi. Ce serait une erreur car le livre est bien plus qu’une histoire sordide.
Le 26 avril 2003, Aron Ralston part randonner dans les gorges de l’Utah. Continuer la lecture

Les Onze – Pierre Michon

L’imposture ou le comble de l’Histoire

Au commencement était Les Onze, célèbre tableau du Louvre représentant les onze révolutionnaires du Comité de salut public pendant la Terreur, et son créateur, le peintre François-Elie Corentin, dit le « Tiepolo de la Terreur ».

D’emblée Pierre Michon met le tableau en valeur en exposant le peintre. L’image de l’artiste échappe, ange ou « vieil enragé oblique » plus tard, en 1760. Le peintre apparaît hypothétiquement sur quelques tableaux d’époque, portrait flou et faux, instable, qui interroge.

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