Sonietchka de Ludmila Oulitskaïa

Il y a peu j’ai commencé un cycle « auteurs russes » et alors que j’étais en pleine réflexion, ma vénérable (par l’expérience s’entend) collègue me parla en des termes élogieux  de Ludmila Oulitskaïa et de son  premier roman Sonietchka paru en 1996. Ledit roman présentait en effet des atouts intéressants. Son auteure est contemporaine, et hormis Marina Tsvetaïeva, Svetlana Alexievitch et Nina Berberova, la littérature russe traduite au format poche est plutôt avare en écrivaine… en personnage féminin oui, mais en auteure, point ou peu s’en faut. Je m’immergeais donc dans ce court récit d’après guerre centré sur cette femme au diminutif attachant, Sonietchka.
Cette dernière est une grande lectrice, dévoreuse de romans jusqu’à se détacher du monde. Elle nous rappelle que cette activité nous ferme aux contingences immédiates de la réalité quotidienne autant qu’elle nous ouvre au monde. Mais lorsque les imprévus de la vie bousculent l’existence de Sonietchka, lorsqu’elle rencontre Robert Victorovitch, la littérature s’efface. A travers eux, Oulitskaïa  fait l’esquisse du milieu intellectuel dans la Russie de Staline : l’oppression, la censure et le délabrement financier. Toute une atmosphère qui malgré la misère nourrit une forte créativité.
Cet arrière plan permet à l’auteure de mettre en valeur trois beaux portraits de femme. Sonietchka nous touche par le don qu’elle fait de sa personne, dédiée à sa famille. L’effacement tranquille d’une femme aux bonheurs discrets, sans prétention. Sonia, dévoreuse de vie, multiplie les expériences sexuelles, expérimente. Née dans un milieu intellectuel désargenté et solidaire, elle aspire à une liberté sans entraves. Tanya, enfin, jeune femme polonaise issue d’un milieu populaire fait don de son corps gracile pour accéder à un niveau social plus élevé.
Le livre s’ouvre avec Sonietchka lisant et se referme, bien des années après,  avec cette même figure, alors même qu’entre ces deux périodes elle aura délaissé toute activité de lecture. Par le biais de son héroïne, Oulitskaïa nous fait part de sa représentation de la lecture et nous confie simplement que celle-ci  même si elle nourrit l’homme de savoir et de connaissance ne peut se substituer à quelque chose de plus essentiel encore : la Vie.
Je vous entend déjà qui allez me dire : « mais de quoi donc parle ce livre ! » Et bien, je dois avouer ici avoir eu un instant de grâce particulier au moment de relire le roman pour le chroniquer. Une force invisible m’incita à faire ce mouvement magnifique, une incroyable rotation du livre pour jeter un bref coup d’œil sur ce qu’en librairie nous appelons – quel vilain terme – la quatrième de couverture. Et quelle ne fut pas ma surprise ! J’avais devant mes yeux émerveillés un beau résumé du roman, fort bien fait et extrêmement précis, que je n’aurais pu égaler, soyons honnête,  en esprit de synthèse.
Je vous invite donc vivement, potentiel lecteur, à exécuter vous aussi cette acrobatie étonnante pour découvrir la trame narrative de Sonietchka, qui je l’espère, vous donnera définitivement envie de le dévorer l’espace de quelques heures.
Bien à vous.
 
       Sonietchka – Ludmila Oulitskaïa – Folio – Gallimard.
 
 
 
 
 
 

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