La vie des plantes

Avant Jérusalem, avant La ligue des gentlemen extraordinairesLes filles perduesPrometheaV pour vendettaFrom Hell ou The WatchmenAlan Moore a déployé son fabuleux talent de conteur en reprenant le comics Swamp thing, créé par Len Wein et Berni Wrightson. Alors que les épisodes initiaux suivaient les aventures et la quête d’humanité du docteur Alec Holland, transformé en créature du marais suite à l’explosion criminelle de son laboratoire dans un bayou de Louisiane, Alan Moore dynamite et retourne très vite l’intrigue de manière assez folle. La créature du marais n’est pas Alec Holland, c’est, en réalité, un être végétal né de l’explosion chimique et devenu le support de la conscience du scientifique, qui lui est bien mort. La créature du marais devra donc faire le deuil de cette humanité rêvée et accueillir et devenir cette vie et cette forme d’incarnation des plantes qui la rattache à la nature entière.

Sa mission super-héroïque s’en trouvera ainsi considérablement élargie : il ne s’agit plus seulement de recouvrer sa propre identité, ni même de sauver l’humanité, il faudra désormais tâcher de préserver aussi ce monde végétal et la vie elle-même qui irrigue chaque être vivant. Et si l’atmosphère est toujours bien celle d’un comics horrifique, avec son bayou poisseux, les insectes qui grouillent, les cadavres en décomposition, les morts-vivants, si la folie guette et que la terreur attend, tapie, cette nouvelle dimension cosmique du héros, qui est donc aussi un monstre, lui confère quelque chose de solaire qui donne au marais lui-même des allures de paradis. Ce que rend parfaitement le dessin de Stephen Bissette : la créature du marais est un beau monstre dont la parure et les couleurs changent au fil des saisons.
Singulier retournement qui voit ce marais, source de peur et de mort, un enfer à fuir, devenir source de vie à protéger et d’une certaine façon même foyer. Et la descente aux enfers qu’effectuera la créature du marais, qui la rapproche d’Ulysse, Orphée ou Dante, montrera que l’enfer, davantage qu’un coin de nature, même poisseux, est ce que l’homme imagine. Changeant ainsi sens et images, osant par ailleurs, comme il le fera dans nombre de ses oeuvres ultérieures, varier les styles, les tons et les registres, en une architecture sophistiquée, Alan Moore prouve déjà qu’il est un immense magicien. Le deuxième tome de cette édition intégrale qui en comptera trois est à paraître prochainement.
 

Alan Moore en dédicace (2006). Licence CC by SA.

Exposition Jules Stromboni

Exposition au café coté cour des planches dessinées du roman graphique «Mazzeru» de Jules Stromboni du 5 au 27 mai

Don ou malédiction, en Corse, le mazzeru est un membre de la communauté présenté comme le messager de la mort. Jules Stromboni brosse, à partir cette figure sociale et ancestrale, un conte tragique sur le passage d’un monde à un autre. Il excelle, dans un travail de gravure énergique et brut, à imprimer au récit toutes ses zones d’ombres, tous ses jaillissements de lumière.

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Nos conseils de Noël: Curiosités

Nos conseils de Noël: Curiosités

Voici une sélection de livres que nous sommes allés dénicher pour vous dans les rayons d’Ombres Blanches. Loin de la nouveauté, des prix, de l’actualité, de l’attendu, nous avons demandé aux libraires un livre qui vous surprendrait. Décalé, insolite, à la marge, en un mot un livre un peu curieux qui vous amènera là ou vous ne vous y attendiez pas. A offrir ou à se faire offrir. Pour se décaler. Faire plaisir avec un peu d’originalité.
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Les livres présentés ici sont également disponibles sur ; www.ombres-blanches.fr
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