La rentrée littéraire : « Les prépondérants » – Hédi Kaddour

Ces derniers jours, jours de rentrée littéraire, beaucoup d’articles de journaux sont consacrés (à juste titre) au dernier livre d’Hédi Kaddour, Les prépondérants, édité chez Gallimard. J’en rajoute un en essayant, pour ne pas vous lasser, de ne pas raconter une fois de plus l’histoire de ce passionnant roman mais plutôt d’en parler dans son rapport avec l’un des éléments essentiels du livre, le cinéma. Continuer la lecture

La rentrée littéraire : « L’homme-tigre » – Eka Kurniawan

Je ne connais presque rien de la littérature et de la culture indonésienne. Il y a eu quelques romans, comme celui de Pramoedya Ananta Toer, Gadis Pantai – La fille du rivage, La folie Almayer de Conrad (sublime roman qui se déroule dans la jungle de Bornéo en Malaisie), aussi quelques petits souvenirs d’images de théâtre de marionnettes javanais, le réalisateur Apichatpong Weerasethakul s’il n’était pas lui-même, le grand cinéaste thaïlandais et non indonésien que nous connaissons pour ses magnifiques films Tropical Malady et Blissfully Yours. Donc beaucoup de confusion, d’approximation et une vague idée de la jungle.
Il faut bien commencer et ce sont les Éditions Sabine Wespieser qui me donnent cette chance en publiant en septembre le premier roman de Eka Kurniawan, L’homme-tigre, traduit de l’indonésien par Étienne Naveau. Il y a dans ce roman des caractéristiques culturelles, religieuses et sociales, des mythes et des légendes propres à l’Indonésie. Il y a aussi une géographie, des paysages et une végétation tropicale mystérieuse et abondante (aperçue en ce qui me concerne sous serre ou en photos). Mais ce n’est pas tout Continuer la lecture

La rentrée littéraire : « Les loups à leur porte » – Jérémy Fel

L’attention que l’on porte d’ordinaire aux premiers romans est toute particulière parce qu’elle est portée par l’espoir d’une promesse. Celle de la nouveauté de ton, de la découverte d’une nouvelle voix. La rentrée littéraire est un moment privilégié pour la découverte de ces voix là.
Il y a chez Jeremy Fel dans son roman Les loups à leur porte cette nouveauté qui se met à l’oeuvre. Ce qui frappe avant tout dans ce roman et qui fait – il me semble – sa réussite, c’est la précision de la mécanique  romanesque. Le livre est à bien des égards une machine formidablement huilée.  Ce ne serait pas incongru de parler de thriller. Continuer la lecture

La rentrée littéraire : « La cache » – Christophe Boltanski

Dans La cache, édité chez Stock, Christophe Boltanski compose un tableau de famille profond et délicat. C’est un premier roman que l’on a beaucoup aimé.
Le sens de la mémoire, de la conservation du souvenir, le défi à l’oubli, sont au cœur de ce très beau livre. Il réussit de manière assez remarquable à parler de l’histoire de sa famille en croisant les époques anciennes (celle de ses grands-parents, époque déjà presque légendaire), à des souvenirs d’un passé plus récent (celui de son enfance), avec le temps du moment.
Ce roman est fluide et précis, rempli de joie, de tendresse, d’incertitude et de doute. Le point de départ est « la » maison de la rue de Grenelle dans le XIVème arrondissement de Paris. C’est la scène, c’est le décor, qui ne varie pas beaucoup avec le temps. Il y a des cartons, des meubles utilisés à contre-emploi, des spectacles d’ombres qui se jouent un peu partout. Continuer la lecture

La rentrée littéraire : Marion Guillot et Yves Ravey chez Minuit.

Dans son premier roman à paraître en septembre aux Éditions de Minuit, Marion Guillot montre qu’il est possible d’aborder des questions profondes en choisissant le parti pris d’une comédie inquiétante, déstabilisante. Son roman a pour titre Changer d’air.
Paul Dubois est marié à Aude, ils ont deux enfants, il est enseignant, elle écrit des livres. Le jour de la rentrée scolaire de septembre, il est témoin de la chute d’une femme dans le port. Cet événement le convainc de changer de vie, de partir, certes pas très loin, mais tout de même, de s’en aller. Raconté à la première personne, l’écriture de Marion Guillot permet des plongées profondes et intimes dans la conscience de Paul Dubois. Le roman s’ordonne autour des expériences vécues par Paul en différentes scènes qui s’enchaînent et qui reconstituent cette tentative de nouvelle vie. Très vite, on s’aperçoit que Paul Dubois connaît quelques difficultés avec la vie. Pour contourner les concepts de psychanalyse, que je ne maîtrise pas bien et qui seraient soit exagérés, soit faux, soit menaçant par leur qualificatif, je peux dire sans trop me tromper que Paul Dubois se construit un système de vie complexe, bâti sur de surprenantes habitudes et sur des décisions brusques voire déroutantes pour son entourage. Continuer la lecture

Bientôt la rentrée littéraire… Le metteur en scène polonais

Antoine Mouton, Le metteur en scène polonais, chez Christian Bourgois en septembre.

Dans le premier roman d’Antoine Mouton, nous sommes en présence d’un metteur en scène polonais que l’adaptation d’un roman d’un auteur autrichien mort en pièce de théâtre est en train de rendre fou.
Peut-être il y a-t-il des époques où être sage, c’est être fou ; peut-être aussi que notre homme polonais a un terrain propice à la folie ; peut-être qu’être polonais est par nature une circonstance aggravante.
Dans ce cas précis, c’est le roman qui pose problème car il se comporte- le roman – comme un corps autonome, un objet organique. Et c’est un problème de mise en scène insoluble que de s’apercevoir que les personnages et leurs actions changent d’une lecture à l’autre. Continuer la lecture

Bientôt la rentrée littéraire… Ces quelques Achab

En 2007, le réalisateur Philippe Ramos sortait un film rare et poétique, Capitaine Achab, où il réinventait l’histoire du capitaine du Pequod imaginé par Herman Melville avec Dominique Blanc dans le rôle de l’épouse d’Achab, Denis Lavant en Achab tel qu’en lui-même, Jacques Bonnaffé en Starbuck, Jean-Francois Stévenin en père d’Achab. Librement inspiré de Moby Dick, le film de Ramos construit une biographie fictive du célèbre capitaine baleinier (habité par la folie de Moby Dick), de l’enfance à l’assaut final. Les décors naturels sont beaux. Les paysages français, de la vallée de l’Ubaye (c’est sûr) et peut-être de la Creuse (je n’en suis pas sûr) et les paysages suédois se transforment en espaces nord-américains transcendants et mythiques, sans aucun doute égaux à ceux de la Nouvelle Angleterre de Nathanaël Hawthorne. Ces géographies croisées créent une très belle poésie de l’enfance d’Achab, assez rimbaldienne. C’est un film de peintre car Ramos filme comme un peintre et c’est aussi un film assez expérimental qui pourrait satisfaire ceux qui aiment les tentatives d’essais. Et des essais cinématographiques de Ramos aux Essais fragiles d’aplomb de Pierres Senges (Collection Minimales, Éditions Verticales), la transition, très bancale, est faite. Continuer la lecture

Entre les deux il n’y a rien – Mathieu Riboulet

Angles.
J’ai lu le livre de Mathieu Riboulet il y a quelques jours, Entre les deux il n’y a rien,
à paraître aux Éditions Verdier à la rentrée. Depuis j’y pense assez souvent, je cherche des angles, des perspectives, des chemins.
Aujourd’hui, le 30 Juillet, je prends mon temps, j’ouvre un livre et le referme, j’écoute un morceau de musique et je remarque sur la page d’accueil de la radio France Culture (la grille d’été c’est presque les vacances !) une fenêtre qui annonce la diffusion d’un séminaire de Diogo Sardinha (Président du Collège international de philosophie, chercheur de NoSoPhi de Paris I et membre du centre de Philosophie des sciences de l’université de Lisbonne), séminaire qui s’intitule : « Ce que nous faisons de nous-mêmes : politique, violence et anthropologie ».
J’entre par la fenêtre. Un court texte résume le contenu de la conférence, (que je retranscris en partie et que vous pouvez lire sur le site de la radio ; la conférence est disponible aussi). Il dit : Continuer la lecture

Eloge des mangeurs d’hommes – Yves Paccalet

Dans son livre, Yves Paccalet philosophe et naturaliste, se fait le défenseur de ces mangeurs d’hommes qui fascinent autant qu’ils font peur. Il crie au loup, vous pardonnerez le jeu de mots. Parce que oui le loup est toujours là et il fait peur au même titre que l’ours, le requin et bien d’autres. Continuer la lecture

Géorama – Julien Blanc-Gras & Vincent Brocvielle

Julien Blanc-Gras, dont j’avais adoré le livre Touriste, nous revient cette année avec l’aide de Vincent Brocvielle dans un Géorama.
Célèbre attraction géographique très en vogue au XIXème siècle, les géoramas étaient des représentations géantes du Monde qui, selon son inventeur Delanglard, permettaient que « l’on embrasse d’un seul coup d’œil toute la surface de la terre ». C’est exactement ce que ce livre a la vocation d’être. Plein d’originalité, d’anecdotes aussi drôles qu’intéressantes, ce tour du monde, entre autres, des « qui est le meilleur à quoi » est vraiment surprenant.
Pari réussi pour ce Géorama qui englobe la planète d’une traite et qui donne un aperçu du monde dans lequel nous vivons et celui dans lequel nous allons vivre.