Touriste de Julien Blanc-Gras

Sous forme de petites chroniques géographiques, Julien Blanc-Gras nous montre le Monde, celui qu’il côtoie durant ses pérégrinations. Pour autant il ne s’agit pas ici d’accomplir quoi que ce soit. Les voyages en eux-mêmes n’ont souvent aucun but précis.

« Je ne veux ni conquérir les sommets vertigineux, ni braver les déserts infernaux. Je ne suis pas aussi exigeant. Touriste, ça me suffit. »

Et être touriste c’est avoir l’œil de celui  qui n’est jamais parti. Pour moi Julien Blanc-Gras a fait sienne la citation de Marcel Proust, « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. »  Il a beau avoir parcouru une multitude de pays, admiré des dizaines de paysages,  rencontré des tas de personnes, il semble  porter en lui ce regard vierge à chaque nouvelle destination.

De la Colombie au Maroc en passant par l’Angleterre ou la Chine, c’est autant de cartes dépliées et de frontières franchies auxquelles il nous convie. La splendeur des lieux alternent avec les histoires locales au gré des rencontres, pour autant rien n’est idéalisé. Il n’est pas là pour nous vanter quoi que ce soit. Il est juste le témoin du monde à un temps et un moment donnés. Ce qui le différencie des autres récits est sa manière de voir les choses et de les transcrire.

J’aime cet esprit distancié et critique, mais sans jugement, qu’il porte sur le monde. C’est d’une manière toujours très poétique qu’il aborde les situations.

« Prendre une photo, c’est prévoir de se souvenir du passé dans un futur proche.« 

On est constamment sur le qui-vive ne sachant jamais ce qui va bien pouvoir se passer. Le texte est toujours en mouvement car l’esprit lui-même est toujours en mouvement. Cette écriture vive est revigorante. La curiosité qu’il porte au Monde est le plus grand et le plus beau des défauts. On a vraiment très envie de le partager!

« Le Totuma est un monticule d’une vingtaine de mètres, à la limite du ridicule. Un volcan nain, ce machin-là n’a jamais dû tuer personne. […] Son cratère est une petite piscine de boue.  Elle est surveillée par deux villageois en maillot de bain. […] Un des surveillants de baignade prononce une phrase, je lui souris pour approuver, je n’ai strictement rien entendu. La boue qui remplit mes oreilles m’offre un moment de silence. Après l’agitation des derniers jours, je savoure à leur juste valeur ces cent secondes de solitude. Je me baigne dans un volcan : il n’y a pas de fond. Sous mes pieds, le centre de la Terre. Je flotte au-dessus de l’enfer. »

Pour autant, Julien Blanc-Gras n’a pas la langue dans sa poche, son franc-parler est piquant.

« Contrairement à une idée couramment admise, l’allemandenshort n’a pas nécessairement la nationalité allemande. C’est ce qu’on appelle un faux-ami. »

Il est aussi là pour nous rappeler les dysfonctionnements et les absurdités du monde. Mais c’est toujours avec une pointe d’humour qu’un problème se voit soulevé.  Julien Blanc-Gras a l’art de la tournure et des mots. Une situation inattendue : qu’à cela ne tienne, la vie en est pleine alors autant l’affronter avec détachement et joie de vivre !

Touriste est un récit revigorant et une bouffée d’air frais qui vient du large. Bonne lecture.

   Touriste – Julien Blanc-Gras – Au diable Vauvert, 2011- 17€  (Version numérique)

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