« Le sentier de la gloire » de Jeffrey Archer

Roman absolument passionnant inspiré de la vie du célèbre alpiniste Georges Leigh Mallory dont le rêve était de gravir l’Everest.

Le 8 juin 1924, à quelques mètres du Mont Everest, Georges Leigh Mallory et son compagnon de cordée Andrew Irvine, sont aperçus vivants pour la dernière fois. Soixante-quinze ans plus tard, le 01 mai 1999, une expédition américaine découvre sur la face Nord le corps exceptionnellement conservé de Mallory. Cette découverte soulève alors beaucoup de questions sans réponses. Ont-ils trouvé la mort en allant au sommet ou bien sur le chemin du retour? Mallory a-t-il pu réaliser son rêve d’être le premier à fouler la neige glacée de ce sommet ? Continuer la lecture

« L’ivresse du kangourou » de Kenneth Cook

Faisant suite au Koala tueur et à la Vengeance du wombat, les éditions Autrement nous livrent en ce début d’année le dernier opus de Kenneth Cook, L’ivresse du kangourou.
Digne d’un Buster Keaton, l’auteur nous convie, de péripéties en péripéties, à découvrir ses compatriotes humains et animaliers australiens. Partant du principe qu’une idée reçue est rarement vraie, il s’évertue à nous montrer, entre autres, qu’un koala n’est pas toujours un gentil animal ou qu’il ne fait pas bon se trouver dans les parages d’un kangourou avec une gueule de bois.
Le problème avec l’outback, c’est que vous avez beau prendre des précautions et soigneusement éviter tout danger potentiel, il reste toujours une chose que vous avez oubliée ou à laquelle vous n’auriez jamais pensé :celle qui va surgir et vous terrasser.”
C’est un régal de lire ces histoires tout à la fois burlesques et abracadabrantesques. Une simple balade sur la plage avec un chien ou la présence d’inoffensifs lézards à bord d’un avion : Tout devient épique avec Kenneth Cook. On a souvent du mal à croire à ses tribulations tellement les situations sont cocasses mais on ne peut s’empêcher de rire devant l’effort surhumain que le narrateur déploie afin de se sortir de ces mêmes situations.
 
L’ivresse du kangourou– Kenneth Cook – éditions Autrement,2012 – 17€
 
 
 
 
 
 

David Mitchell – Les mille automnes de Jacob de Zoet

Dejima est une île artificielle construite dans la baie de Nagasaki au Japon, l’île sert de port d’attache à la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. En 1799, quand débute le roman, la Hollande est le seul pays (avec la Chine mais dans une moindre mesure) autorisé à commercer avec le Japon. Ce Japon des shoguns, tout empli de mystères parce que totalement isolé du reste de la planète. Un monde secret qui, depuis les quais de Dejima se refuse même à un simple regard.
Jacob de Zoet est un jeune clerc ambitieux, venu pour faire fortune afin de consolider ses projets de mariage en Europe ; il n’est armé que de son seul courage et d’une rigueur morale semble t-il à toute épreuve. Intégrité qui ne fait certes pas bon ménage sur l’île avec ce culte de l’argent roi, cette religion du commerce qui s’impose partout avec ses relents de corruption généralisée . Jacob l’apprendra à ses dépends. Mais tout cela ne serait rien sans compter sa rencontre avec Orito une jeune sage-femme japonaise dont – événement quasi improbable – il tombe amoureux.
Les mille automnes de Jacob de Zoet est une grande fresque, magistrale en tous points. Mitchell y déploie tous les registres du roman, passant du roman d’aventures à l’histoire d’amour, du roman de formation à la grande fresque historique. Ce genre de roman gagne en intensité quand, derrière la peinture historique et par-delà les ressorts romanesques, se déploie une analyse et une vision ; tout un réseau de sens qui se met en place. Mitchell nous montre avec subtilité comment et de quoi sont faites les relations entre le Japon et les occidentaux. L’ambiguïté qu’il y a à vouloir commercer sans chercher à se connaître, les rapports de défiance qui sous-tendent les relations commerciales. Doivent t-ils être mis à la solde de l’esprit tortueux des japonais ou de l’incroyable arrogance occidentale. Il y a là un cas exemplaire de rapports dominant/dominé qui s’alterne sans cesse. Les japonais ne veulent pas laisser entrer le monde extérieur notamment par peur du christianisme, et les occidentaux ont pour la plupart une soif de connaissance du monde nippon mais à des fins de prise d’influence ou de pouvoir.
L’hypocrisie est une des composantes maîtresses des règles sur Déjima, il faut garder à l’esprit que les hollandais ne sont pas des colons, mais des marchands ; l’enjeu n’est pas une mission civilisatrice, mais pécuniaire et commerciale…mais quel enjeu !
Pourtant si Les mille automnes de Jacob de Zoet devient au fil des pages la peinture de cette modernité en devenir (nous sommes à l’aube du XIXe siècle) dont on voit aujourd’hui où elle nous a conduit, Mitchell joue subtilement à ne pas mettre les deux mondes en opposition, mais en regard, en accentuant ce qui pourrait les rapprocher. Ces deux inconciliables en apparence se révèlent être poreux, et des liens même s’ils sont ténus existent. C’est sans doute pourquoi dans le roman le lecteur change de focale avec autant d’aisance, en étant finalement des deux cotés de la mince ouverture du port de Déjima.
Les mille automnes de Jacob de Zoet est de ces romans auxquels on s’attache plus que de raison. Ce genre de livres qui nous accompagne bien au delà de la dernière phrase, dans lesquels on se sent chez soi et que l’on souffre d’achever de peur de se sentir abandonné. Sans doute est-ce dû à la force de l’intrigue que met en place David Mitchell ; plus elle s’épaissit et s’opacifie et plus elle prend la forme d’une partie de Go, ce jeu subtil qui voit gagner celui qui déploie la stratégie la plus retorse…Pour la plus grande joie du lecteur.
 
   Les mille automnes de Jacob de Zoet – David Mitchell – Éditions de L’Olivier, 2012 – 24€
 
 
 
 
Notons la parution attendue en format poche : éditions Points, 2013. Une raison de plus pour le mettre entre toutes les mains.
 

Georges Didi-Huberman – Écorces

En 2003 dans Images malgré tout (éditions de Minuit) , Georges Didi-Huberman achevait son ouvrage sur les quatre photos prise par les membres du sonderkommando d’Auschwitz-Birkenau par ces mots :

« La question des images est au cœur de ce grand trouble du temps, notre « malaise dans la culture ». Il faudrait savoir regarder dans les images ce dont elles sont les survivantes. Pour que l’histoire, libérée du pur passé (cet absolu, cette abstraction), nous aide à ouvrir le présent du temps. »  (p226)

Écorces, qui vient de paraître, est précisément le moment de cette interrogation. C’est un récit-photos, ou plutôt une suite de photos commentées  que Didi-Huberman a rapporté de sa visite du complexe d’Auschwitz-Birkenau. Continuer la lecture

Ô dingos, ô châteaux ! – Manchette et Tardi

Avec l’adaptation de Ô dingos, Ô châteaux ! (Futuropolis), Tardi revient une nouvelle fois avec un texte de Jean-Patrick Manchette. Et pas des moindres, puisque celui-ci a reçu le grand prix de littérature policière en 1973. A l’époque cependant, certains avaient avançé que ce roman avait reçu le prix à la place de Nada(paru un an avant, disponible en Folio policier), jugé trop politique pour être primé (les aventures d’un groupuscule d’extrême gauche qui enlève l’ambassadeur des États-Unis pour faire passer ses revendications). Continuer la lecture

L’un des plus beaux cadeaux

C’est un beau coffret, élégant et sobre , qui abrite la dernière merveille de François Place. Le Secret d’Orbae renferme un portfolio de 18 planches, foisonnant de miniatures comme autant d’invitations au voyage, et deux romans : celui de Cornelius, commerçant et voyageur venu du Nord, en quête d’une improbable montagne de brume , et celui de Ziyara, nommée Grand Amiral à Candâa et navigatrice sans pareille. Continuer la lecture

Paris vaut bien les mets (de New York)

Serait-ce le match du siècle ? L’ équivalent du match de boxe Muhammad Ali / Joe Frazier avec KO final du combattant le plus médiatique ?

De quoi Paris peut-elle s’enorgueillir que New York n’aurait pas…le macaron ? Et en quoi la Big Apple peut-elle se targuer d’exceller… La bataille va t’elle être à couteaux tirés ?…

Que nenni… ce serait plutôt à un combat amical et graphique que nous convie Vahram Muratyan… Dans son livre Paris vs New York, il répond à toutes ces questions et même d’autres, et met en scène une bataille enfantine qui oppose Woody Allen à Godard ou The Velvet Underground à un croissant…pour finalement mettre à mal avec humour toutes nos différences qui au fond ne sont que formelles… Continuer la lecture

Dramuscule

Ma chère Lise de Vincent Almendros, Éditions de Minuit

Un jeune professeur tombe amoureux de son élève : voilà l’intrigue du premier roman que publient les Éditions de Minuit en cette rentrée. Intrigue pour le moins ténue, qui fait dire à une partie de la critique que ce roman s’inscrit dans la droite ligne du catalogue de la maison à l’étoile bleue : le minimalisme.

Camille Laurens, dans un article du Monde au sujet du dernier livre d’Hélène Lenoir (Pièce rapportée, publié aux mêmes Editions de Minuit), écrit : « …(ce texte) devrait rendre caduque l’opposition factice entre romancier de l’intime et romancier du monde (…) La sauvagerie des individus dans leur espace privé présente et déplie la violence des conflits extérieurs. » On pourrait reprendre cette citation au sujet du roman de Vincent Almendros. Pas de projet démonstratif ici, ni dans la forme, ni dans le fond. Et c’est justement tout l’intérêt de ce texte, qui nous rappelle que notre vie est faite de ces événements minuscules qui nous semblent insignifiants, mais n’en sont pas moins les composants de nos drames les plus ravageurs et de nos joies les plus intenses. Continuer la lecture