La rentrée littéraire : « Orfeo » – Richard Powers

La question de l’écriture du souvenir et de la mémoire est souvent au centre des romans de Richard Powers.
Trois fermiers s’en vont au bal (Éditions du Cherche Midi, Collection Lot 49 puis repris en 10\18) commence avec une photographie d’August Sander (1876 à Herdof près de Cologne -1964 à Cologne) intitulée «Trois fermiers du Westerland en route pour le bal», datée de 1914. Cette photo est le motif de départ du roman. Richard Powers fera continuer leur route à ces trois hommes dans un jeu de piste romanesque qui se déploie dans l’Histoire du XX siècle. Continuer la lecture

La rentrée littéraire : « Les prépondérants » – Hédi Kaddour

Ces derniers jours, jours de rentrée littéraire, beaucoup d’articles de journaux sont consacrés (à juste titre) au dernier livre d’Hédi Kaddour, Les prépondérants, édité chez Gallimard. J’en rajoute un en essayant, pour ne pas vous lasser, de ne pas raconter une fois de plus l’histoire de ce passionnant roman mais plutôt d’en parler dans son rapport avec l’un des éléments essentiels du livre, le cinéma. Continuer la lecture

La rentrée littéraire : « Les loups à leur porte » – Jérémy Fel

L’attention que l’on porte d’ordinaire aux premiers romans est toute particulière parce qu’elle est portée par l’espoir d’une promesse. Celle de la nouveauté de ton, de la découverte d’une nouvelle voix. La rentrée littéraire est un moment privilégié pour la découverte de ces voix là.
Il y a chez Jeremy Fel dans son roman Les loups à leur porte cette nouveauté qui se met à l’oeuvre. Ce qui frappe avant tout dans ce roman et qui fait – il me semble – sa réussite, c’est la précision de la mécanique  romanesque. Le livre est à bien des égards une machine formidablement huilée.  Ce ne serait pas incongru de parler de thriller. Continuer la lecture

La rentrée littéraire : « La cache » – Christophe Boltanski

Dans La cache, édité chez Stock, Christophe Boltanski compose un tableau de famille profond et délicat. C’est un premier roman que l’on a beaucoup aimé.
Le sens de la mémoire, de la conservation du souvenir, le défi à l’oubli, sont au cœur de ce très beau livre. Il réussit de manière assez remarquable à parler de l’histoire de sa famille en croisant les époques anciennes (celle de ses grands-parents, époque déjà presque légendaire), à des souvenirs d’un passé plus récent (celui de son enfance), avec le temps du moment.
Ce roman est fluide et précis, rempli de joie, de tendresse, d’incertitude et de doute. Le point de départ est « la » maison de la rue de Grenelle dans le XIVème arrondissement de Paris. C’est la scène, c’est le décor, qui ne varie pas beaucoup avec le temps. Il y a des cartons, des meubles utilisés à contre-emploi, des spectacles d’ombres qui se jouent un peu partout. Continuer la lecture

La rentrée littéraire : Marion Guillot et Yves Ravey chez Minuit.

Dans son premier roman à paraître en septembre aux Éditions de Minuit, Marion Guillot montre qu’il est possible d’aborder des questions profondes en choisissant le parti pris d’une comédie inquiétante, déstabilisante. Son roman a pour titre Changer d’air.
Paul Dubois est marié à Aude, ils ont deux enfants, il est enseignant, elle écrit des livres. Le jour de la rentrée scolaire de septembre, il est témoin de la chute d’une femme dans le port. Cet événement le convainc de changer de vie, de partir, certes pas très loin, mais tout de même, de s’en aller. Raconté à la première personne, l’écriture de Marion Guillot permet des plongées profondes et intimes dans la conscience de Paul Dubois. Le roman s’ordonne autour des expériences vécues par Paul en différentes scènes qui s’enchaînent et qui reconstituent cette tentative de nouvelle vie. Très vite, on s’aperçoit que Paul Dubois connaît quelques difficultés avec la vie. Pour contourner les concepts de psychanalyse, que je ne maîtrise pas bien et qui seraient soit exagérés, soit faux, soit menaçant par leur qualificatif, je peux dire sans trop me tromper que Paul Dubois se construit un système de vie complexe, bâti sur de surprenantes habitudes et sur des décisions brusques voire déroutantes pour son entourage. Continuer la lecture

Bientôt la rentrée littéraire… Ces quelques Achab

En 2007, le réalisateur Philippe Ramos sortait un film rare et poétique, Capitaine Achab, où il réinventait l’histoire du capitaine du Pequod imaginé par Herman Melville avec Dominique Blanc dans le rôle de l’épouse d’Achab, Denis Lavant en Achab tel qu’en lui-même, Jacques Bonnaffé en Starbuck, Jean-Francois Stévenin en père d’Achab. Librement inspiré de Moby Dick, le film de Ramos construit une biographie fictive du célèbre capitaine baleinier (habité par la folie de Moby Dick), de l’enfance à l’assaut final. Les décors naturels sont beaux. Les paysages français, de la vallée de l’Ubaye (c’est sûr) et peut-être de la Creuse (je n’en suis pas sûr) et les paysages suédois se transforment en espaces nord-américains transcendants et mythiques, sans aucun doute égaux à ceux de la Nouvelle Angleterre de Nathanaël Hawthorne. Ces géographies croisées créent une très belle poésie de l’enfance d’Achab, assez rimbaldienne. C’est un film de peintre car Ramos filme comme un peintre et c’est aussi un film assez expérimental qui pourrait satisfaire ceux qui aiment les tentatives d’essais. Et des essais cinématographiques de Ramos aux Essais fragiles d’aplomb de Pierres Senges (Collection Minimales, Éditions Verticales), la transition, très bancale, est faite. Continuer la lecture

Demain les chiens – Clifford D. Simak

Et si notre hégémonie touchait à sa fin ? Si demain venait un autre temps ?

La société que C. D. Simak nous expose est profondément ébranlée. L’Homme s’en est allé, vers d’autres lieux, d’autres rêves, il a laissé derrière lui la Terre, trop étroite pour l’envergure de ses espérances. Une ère nouvelle s’ouvre alors pour la planète qui connait de grands changements. La civilisation n’est plus l’apanage des êtres humains, les Chiens, libérés de l’écrasante domination de l’humanité voient se développer en eux une intelligence et une sensibilité nouvelles, différentes… Les années passent, ceux qui ont vu ne sont plus, les traces s’estompent, le temps anéanti la mémoire, l’Homme n’est qu’une vague réminiscence rappelée à l’occasion, à la faveur d’une veillée au coin du feu. Continuer la lecture

Au bord de la mer violette – Alain Jaubert

Dans quelle mesure Alain Jaubert reste t-il fidèle aux biographies d’Arthur Rimbaud et de Théodor Jozef Konrad Korzienowski, plus connu sous le nom de Joseph Conrad, en les faisant se rencontrer à Marseille le jeudi 24 juin 1875 ? Les biographes savent que l’un et l’autre ont résidé dans la ville. C’est toute la liberté du roman, Au bord de la mer violette, édité chez Gallimard, de rendre possible cette rencontre. Un livre passionnant. Continuer la lecture

« Promenons-nous dans les bois » de Bill Bryson

Ceux qui me connaissent savent que je suis une grande admiratrice de Bill Bryson. J’ai lu beaucoup de ses ouvrages et avoue avoir une affinité avec son écriture tout à la fois objective et journalistique mais aussi un brin décalée et drôle.

Dans « American rigolos » et « Nos voisins du dessous« , c’est le chroniqueur qui m’a séduite. Qui mieux qu’un natif peut être à même de décrire tous les travers américains. Mais au bout du compte, pas forcément, puisque dans « Nos voisins du dessous » il s’emploie à dépeindre les mœurs, certes peut être pas si différents, de nos amis australiens, toujours avec cette même verve. Continuer la lecture