22 – Le livre de ma mère

Tenir sa mère âgée au bout du fil avec les petits projets du jour à raconter, beaucoup de répétitions, comme on déferait un pull tricoté pour prolonger la conversation et surtout ne pas la perdre dans l’humeur, chercher le sourire derrière une peine qui tout en pudeur ne se dira pas. Des livres où ils ont dit l’amour d’une mère jeune, âgée, vieillie, perdue, on pourrait en trouver d’autres, plein, des modèles de phrases ou de mots pour relayer nos silences parlants devant celles qui à beaucoup, j’espère, doivent manquer aujourd’hui. L’hommage à la mère n’est jamais aussi vital que dans la perte et la distance forcée qui renvoie l’adulte à sa posture d’enfant replié, en attente.

Albert Cohen, Le livre de ma mère, Gallimard, Folio.

19 – Virgile, L’Éneide


Tour quotidien, laissez-passer en poche, nous retombons sur nos pas et au-dessus de nos têtes, cette affiche annonçant un spectacle de théâtre daté de fin mars, qui n’aura pas eu lieu donc. L’Énéide n’aura pas lieu, ou bien autrement : je venais d’approcher ce livre, joli hasard, la veille. Je retombe sur mes pas, donc. De ses aventures, de ses combats, de son errance et de son ancrage, Enée nous parle et cette rue montante à ce moment s’étale comme la mer que je touche en rêve si souvent, en nage libre, suivant de nouveaux courants, chauds et plus calmes. À se laisser porter ainsi, le voyage vers d’autres horizons apparaît si durable.
Virgile, L’Éneide, trad. Paul Veyne.

15 – Ovide, Les métamorphoses

Avant tout, il y avait le chaos, avec de l’énergie et des éléments en puissance, sous la force desquels les dieux et les hommes s’accordèrent. Le calme résistait aux histoires d’amour, d’infidélités, de vengeance et aux faits d’arme. C’était un grand poème qui occupait nos journées et préoccupait nos soirées. La répétition y était rassurante. Tout finissait par passer et tout pouvait recommencer. Mais ce cycle trouvera-t-il à se briser en quelque point de rupture ? Loin des prophéties et des adeptes du survivalisme, il est encore confortable de raccorder les évènements du dehors à une nouvelle colère des dieux. Tout reste poétique alors, encore.

Ovide, Les métamorphoses, Folio.

George Sand à Nohant

A propos du livre de Michelle Perrot, George Sand à Nohant, Seuil, 2018.

Michelle Perrot est historienne, professeure émérite d’histoire contemporaine des universités et militante féministe. Elle est l’auteure d’Histoire de chambres couronné par le prix Fémina de l’essai en 2009.

George Sand (1804-1876), écrivaine, dramaturge, critique littéraire, sensible à la cause des femmes et investit dans la vie politique de son temps.

Nohant, demeure du Berry dont elle hérite, devient son lieu de vie, elle le quitte parfois à regret pour ses voyages et le retrouve avec plaisir le moment venu. George Sand est indissociable de Nohant, elle y construit sa vie privée et veut aussi en faire une maison d’artiste, comme un contrepoint au parisianisme ambiant du XIXe siècle.

George Sand en 1850. Fusain de Thomas Couture.

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