Veille critique, censure, interdiction, autocensure ?

La littérature pour la jeunesse en France est depuis un bon demi-siècle (et reste) un domaine inventif, créatif, joyeux, ouvert sur le monde qui nous entoure et le questionnant sans cesse. Du moins une grande partie des éditrices et éditeurs s’efforce-t-elle de proposer des livres de cette sorte, de nature à permettre aux enfants et à ceux qui les accompagnent de se nourrir de toute la création mise à leur disposition. L’illustration, le texte, la documentation, la poésie, le théâtre se présentent sous des formes sans cesse renouvelées et propres à susciter l’éveil. Parfois à susciter le débat ou la critique et c’est bien normal !
Mais pourquoi aujourd’hui, ai-je le sentiment désagréable et inquiet que les livres pour enfants sont à nouveau l’objet de regards suspicieux, moralisateurs, et de volonté indéniable de censure ?

Illustration d’Anne Guillard


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Un spectacle de Romeo Castellucci une nouvelle fois contesté

Les 10 et 11 avril dernier, au théâtre des Quinconces au Mans, le spectacle de Roméo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, depuis sa création en 2011, a dû être amputé d’une scène capitale. Pour la première fois depuis que ce spectacle a été créé en 2011, et après avoir été présenté dans de nombreux pays et dans de nombreuses villes de France, dont Toulouse, un Préfet de la République a décidé d’interdire l’emploi d’enfants dans ce spectacle, rendant de facto l’avant dernière séquence du spectacle injouable. Prise au nom de la protection des enfants (tous volontaires ainsi qu’évidemment leurs parents, et qui avaient été accompagnés dans cette démarche artistique, comme dans toutes les autres villes, par l’assistant de Roméo Castellucci), cette interdiction, tout à fait nouvelle pour ce spectacle, peut difficilement ne pas passer pour un geste de censure déguisée et une abdication devant les pressions des milieux extrémistes et intégristes.
Une interdiction qualifiée par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) de « censure ». La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a également condamné cette interdiction sur twitter, le 4 avril  : « Je rappelle mon attachement profond à la liberté de création et souhaite saluer le travail de l’artiste ainsi que les programmateurs qui ont permis la diffusion de son œuvre et le travail de pédagogie théâtrale réalisé auprès des enfants et familles. »

La pièce sera reprise cet automne à la Colline à Paris.
Arnaud Rykner, professeur à l’université Sorbonne nouvelle et membre de l’institut universitaire de France, a transmis à la librairie Ombres blanches une lettre ouverte au préfet de la Sarthe, que nous avons décidé de reproduire ci-dessous dans son intégralité.

Romeo Castellucci au Teatro Comunale di Bologna

Romeo Castellucci au Teatro Comunale di Bologna –  licence CC BY-SA 3.0


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