LE DÉPAYSEMENT

Depuis ses origines, la littérature se présente en grande partie comme un moment d’exploration de mondes inconnus. Pensons à Ulysse, aux voyages de Gulliver de Swift ou encore à Cervantes ou Stevenson. Tous ces personnages, ces héros qui se retrouvent confrontés au dépaysement, contraint au dépassement de soi sont des guides pour le lecteur. La littérature se nourrit de ces errements, de ces nouvelles routes, de ces éblouissement des rivages neufs, bref de ce grand ailleurs. 

Baudelaire résume très bien ce que l’on est en droit d’attendre d’une telle littérature dans son poème Le voyage :

« Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires

Nous lisons dans vos yeux profonds comme des mers !

Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires

Ces bijoux merveilleux, faits d’astres et d’éthers.

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !

Faites, pour égayer l’ennui de nos prisons,

Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,

Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons. »

 

 

Ces lectures sont autant d’invitations à la découverte de ces paysages du monde… Le roman d’aventure est une des portes ouvrant la voie vers ces mondes inconnus.


 L’ancêtre
Juan José Saer, Le Tripode, 2014

L’Ancêtre est un roman inspiré d’une histoire réelle. En 1515, trois navires quittent l’Espagne en direction du Rio de la Plata, vaste estuaire à la conjonction des fleuves Paraná et Uruguay. À peine débarqués à terre, le capitaine et les quelques hommes qui l’accompagnent sont massacrés par des Indiens. Seul un mousse en réchappe. Fait prisonnier, il n’est rendu à son monde que dix ans plus tard, à l’occasion du passage d’une autre expédition. De ce fait historique, Juan José Saer tire une fable d’une écriture éblouissante.

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Laure Bataillon.

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La ferme africaineLa ferme africaine

Karen Blixen, Gallimard, 2006

Pour La ferme africaine, Karen Blixen plonge dans ses années de vie au Kenya, lorsqu’elle est partie avec son mari pour diriger une plantation de café. Elle y vivra durant 17 ans.
Le travail d’Alain Gnaedig, un des plus éminents traducteurs des langues scandinaves, mais aussi l’auteur d’une nouvelle traduction de Dickens, rend enfin tout son éclat à la prose de Karen Blixen, en proposant au lecteur français une traduction fidèle de l’original danois de La ferme africaine, un des titres les plus populaires de la littérature du XXe.

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Cahier d’un retour au pays natal
Aimé Césaire, Présence africaine, 2000

Réédition de la première œuvre d’Aimé Césaire, saluée depuis l’origine comme le texte fondamental de la génération de la Négritude.

« Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique.
Et la voix prononce que l’Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences, car il n’est point vrai que l’oeuvre de l’homme est finie, que nous n’avons rien à faire au monde, que nous parasitons le monde mais l’oeuvre de l’homme vient seulement de commencer et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu’a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite « .

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L’été grec
Jacques Lacarrière, Pocket, 2001

« C’est sous les portiques de l’Agora d’Athènes qu’on aimerait lire ou entendre L’été grec, témoignage passionné, approche vivante de la Grèce, chronique heureuse de vingt années d’amour avec une terre, un peuple et une histoire.
Toutes les Grèce sont contenues ici : celle d’Hésiode et de Sophocle, celle des hymnes byzantins et des chants médiévaux de Digénis, celle des mémoires de Makryannis et des kleftika, ces chants épiques de la guerre d’Indépendance, et celle des poètes et des écrivains d’aujourd’hui.
Il fallait bien ces vingt années de mémoire grecque pour que cette terre si visitée retrouve enfin son vrai visage et nous révèle en sa vie quotidienne, ses gestes, sa langue et ses passions, le fil secret qui relie Eschyle à Séféris, Homère à Elytis, et Pindare à Ritsos.
Mais le plus rare peut-être en ce beau livre ou passe un souffle libertaire est que l’érudition de l’auteur n’ait en rien entamé l’étonnement, la jeunesse et l’acuité de son regard. »

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Éloge des voyages insensés
Vassili Golovanov, Verdier, 2008

L’île polaire de Kolgouev est le cœur du récit.
C’est en lui donnant une dimension imaginaire que Golovanov parvient à décrire avec le plus de fidélité cet espace géographique et mental.
Il raconte ses expéditions en mêlant à ses impressions, ses propres sensations, des légendes, des contes, des dialogues, composant ainsi une étrange et puissante partition symphonique qui fait de son livre une sorte d’épopée contemporaine sur les cendres des temps mythiques.
Golovanov ne se limite pas à «  chanter l’espace  » et l’antique horde nomade du Grand Nord – des Nénets en particulier –, il montre les désastres infligés par la civilisation industrielle et le communisme à cette terre et à ses hommes, et la déréliction dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui.
Se faire une opinion sur l’originalité de cette prose, seuls peuvent le tenter ceux qui décident, aux côtés de l’auteur, d’entreprendre le voyage.
Vassili Golovanov est né en 1960, il vit à Moscou ou en voyage. «  Depuis l’effondrement du communisme et la chute du Mur de Berlin, dit-il, nous n’avons plus d’ailleurs. C’est cet ailleurs, sans lequel aucune création n’est possible, que nous cherchons. » (éditions Verdier)

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Paysages avec figures absentes
Philippe Jaccottet, Gallimard, 1998

Ce livre de Philippe Jaccottet peut servir d’introduction à son œuvre poétique et littéraire. Cet ensemble de textes sur la campagne contient aussi de très belles méditations sur le travail du poète, sur sa condition d’homme démuni et incertain, privé de tout recours à une foi ou à une idéologie rassurantes. La perception et le sentiment de la nature sont d’une extrême délicatesse et d’une rare ferveur. À travers la description, Jaccottet fait le point sur sa vie de poète, sur sa conception de la poésie.(éditions Gallimard)

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Les villes invisibles
Italo Calvino, Gallimard, 2013

À travers un dialogue imaginaire entre Marco Polo et l’empereur Kublai Khan, Italo Calvino nous offre un « dernier poème d’amour aux villes » et une subtile réflexion sur le langage, l’utopie et notre monde moderne.

« Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses ; et toute chose en cache une autre.
– Moi, je n’ai ni désirs, ni peurs, déclara le Khan, et mes rêves sont composés soit par mon esprit soit par le hasard.
– Les villes aussi se croient l’oeuvre de l’esprit ou du hasard, mais ni l’un ni l’autre ne suffisent pour faire tenir debout leurs murs. Tu ne jouis pas d’une ville à cause de ses sept ou soixante-dix-sept merveilles, mais de la réponse qu’elle apporte à l’une de tes questions. »

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Les perséïdes
Robert Charles Wilson, Le Bélial, 2014

C’est l’histoire de deux géographies intriquées : celle des ruelles nocturnes de Toronto et celle de l’étrange librairie Finders, deux géographies qui ne sont pas ce qu’elles semblent être car non, décidément, la carte n’est pas le territoire…

C’est l’histoire des abîmes vertigineux de l’espace et du temps et de ce qu’ils abritent, de l’étrange et de l’occulte, là, au coin de la rue, au détour d’un rayonnage de bibliothèque ou sur une case d’échiquier…

C’est l’histoire de ce qui ne peut être vu et que l’on voit quand même, de ce qui ne peut être dit et qu’il nous faut dire, malgré tout…

C’est l’histoire des Perséïdes, neuf récits se répondant les uns les autres pour tisser l’ébauche d’un paysage indicible, un livre à l’ombre des grands maîtres tutélaires de l’œuvre wilsonienne : Jorge Luis Borges, Howard Phillips Lovecraft et Clifford D. Simak en tête. Peut-être le livre le plus personnel de Robert Charles Wilson.

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