Continuer de Laurent Mauvignier

hodlerL’émission de Laure Adler avec Laurent Mauvignier du 29 Septembre dernier débuta avec une chanson de Neil Young. Cette ballade folk était très bien choisie pour introduire la conversation car il y a dans cette chanson comme dans les romans de Laurent Mauvignier de la tendresse et une proximité avec des personnages que l’on imaginent sur le départ où sur le retour et qui se battent contre les vacheries de la vie. Continuer est un roman qui explore des espaces, géographiques et intimes, et le lien qu’ils entretiennent avec les personnages me fait naturellement penser à la littérature américaine. Alors, avec la voix de Neil Young en prime, il m’est difficile de ne pas penser que Laurent Mauvignier est aussi, à sa façon, un écrivain américain.

De nombreux articles de journaux, notamment celui de Télérama du 31 Septembre, ont éclairé l’histoire de ce voyage à cheval de Sybille et de Samuel, sur les hauts plateaux Kirghize pour renouer le lien primordial, mère-fils, qui a été abîmé. Samuel et Sybille dérivent. Lui dans la confusion de l’adolescence, elle, vers le souvenir de Gaël et d’un temps où tout semblait possible. Depuis ce temps, elle n’a pas vraiment trouvé sa place, elle s’est mariée rapidement, elle s’est séparée, elle travaille et assiste à l’errance de Samuel. Son choix de partir avec son fils, de s’arracher de là, est un acte fort, presque une décision morale. Ce roman est un parcours, une traversée qui se construit sur des épreuves et sur des actions. C’est un roman assez dynamique. J’ai été embarqué Immédiatement dans l’histoire car il n’y a pas de scène d’introduction dans ce roman et nous sommes tout de suite sous tension et au milieu de paysages splendides et menaçants.

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Mais l’intérêt de ce roman ne réside pas seulement dans ces paysages . Autour de ce voyage, Laurent Mauvignier écrit des situations antérieures qui nous racontent d’autres histoires et rend compte de façon minutieuse de la vie de ces personnages, et en particulier de Sybille. J’ai le sentiment qu’une partie de sa vérité se révèle par les territoires qu’elle a habité. Ces lieux sont variés, parfois ils sont géographiques mais ils peuvent être aussi plus personnels, plus domestiques. Laurent Mauvignier part de ces lieux pour écrire des instants ou des événements qui ont changé quelque chose dans sa vie, des petites bifurcations à peine visible ou des tremblements inextinguibles. Progressivement, sa figure se dessine.

Ma lecture des livres de Laurent Mauvignier est toujours déroutante car elle me ramène souvent à ces autres livres. Je me détourne de l’un pour retourner vers un l’autre. Par exemple, lisant Continuer, je pense à cette figure d’adolescent fugueur, américain de surcroît, que j’ai croisé dans Autour du Monde. Je me suis souvenu aussi des silences et des non-dits de l’histoire de Tony et de Pauline dans Seuls, ou encore de cet amour qui ne s’efface pas dans Le Lien. Il y a peut être des contrepoints dans les romans de Laurent Mauvignier qui font que ces livres forment une chambre d’écho qui amplifie le réel. Ces personnages ont une vérité humaine qui me touche. L’écriture de Laurent Mauvignier déborde le réel, le dépasse, vibre de bout en bout du roman, et se tient debout.


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