En même temps que de découvrir quelques uns des romans de cette rentrée littéraire, je vous propose de revenir à un livre paru à l’hiver 2015, un joli livre de poésie d’Eugène Savitzkaya, qui pourrait être un bon remède pour faire face à cette fin d’été. La poésie de Savitzkaya est concrète, au plus prés des choses et des êtres, elle ne sacrifie rien à la vie et à l’amour. Dans une interview que l’on peut écouter sur le réseau, Eugène Savitzkaya dit avoir intitulé son livre « A la cyprine » comme un « toast à la vie et à l’amour ».
Au baiser noir des cils, aux poils
noirs du baiser, à genoux sur les planches
et tel éclat blanc sur le collant
troué a mi-cuisse d’où monte la buée
lait mortel et rayon de lumière franche
ou poison, vingt-neuf ans d’une femme
son mouchoir est une rose
Ces poésies sont belles, elles ont une musique propre qui attire les mots et les rendent mélodieux, poétique, charnels.
Elle passe, elle passe
la joliette
elle est passée
la jolie, la jolie vie
Qu’as tu couru mon mignon ?
As tu moulu du son
et dans la boue
semé ?
Elle passe, elle passe
la jolie, la jolie vie
Dans ma première lecture, celle où il m’a fallu mettre ces mots en bouche, j’ai presque été amené à les chanter. Dans ces poèmes, il y a beaucoup de respect pour le mot qui n’est jamais sacrifié à la rime et qui ne se perd pas dans des figures de style, dans des longueurs de phrases, dans des tournures sophistiquées. Il est utilisé comme un outil dont on a besoin, au bon moment.
Qui claque
du marteau
a ma porte marbrée
qui enfile du fil
qui à petits pas
va au travers
des bois verts
qui au solstice ploie
sous la haute lune, sceau de lumière
qui mord Agathe
qui se soucie du Nord
La poésie dans tout ça ? Et bien justement, elle est là où on ne l’attend pas, parfois dans les blancs de la page, parfois dans la formule qui s’inscrit dans un coin de notre tête pour être répétée.
Au Pigeon Noir
une bière en suit une autre
après les rues et les chaussées
tout mène en bas
bas de table, table basse
basse œuvre
haute félicité
Les poésies d’Eugène Savitzkaya ont la légèreté de la ritournelle. Le reste est mystérieux parce que pour en arriver là, c’est sur qu’il en faut du talent… et de la patience.