En passant du vert au bleu – Jean-Louis Bentajou

EXPOSITION DE PEINTURES
JEAN-LOUIS BENTAJOU
En passant du vert au bleu
À découvrir à partir du 17 mars, à l’Atelier d’Ombres Blanches, situé au 5 rue Mirepoix – Toulouse.
Horaires :
Du mercredi au vendredi de 14 h à 17 h 30, et le samedi de 9 h 30 à 13 h et de 14 h à 17 h 30.
La librairie Ombres Blanches a le plaisir de vous convier à l’ouverture de En passant du vert au bleu, exposition de peintures de Jean-Louis Bentajou.
L’exposition se tiendra jusqu’au 30 avril dans l’Atelier, espace d’expositions de la librairie situé au 5 rue Mirepoix.


En prenant la pente après le pont sur la Garonne, rien ne vient nous indiquer comment nous allons bientôt franchir le passage du vert des terres agricoles du Volvestre, du brun des labours et du bleu du ciel qui en domine les collines, à cette métaphore du paysage à laquelle nous convie Jean-Louis Bentajou. Une métaphore qu’il ouvre à nos
regards avec le sentiment continu d’un vertige. Tout réunit l’artiste, son épouse et la maison, avec la nature qui les absorbe. Depuis un demi-siècle déjà s’y pratique une méditation sans autre objet que le devenir possible d’un matérialisme antique, accompagné d’une lecture des poètes, particulièrement ceux qui dialoguent avec la peinture.
La pratique de la science et du poème a conduit très vite le professeur de philosophie, dès les années 60, à prolonger le texte par l’image, le stylo par le pinceau. Non, par la couleur et par l’interrogation de la forme. Cette dernière se réfère plus, apparemment, à l’atomisme d’Épissure, à moins qu’on n’y décèle, avec inquiétude ou délectation, des vertiges pascaliens devant l’infinitude des points de la toile. De fait, c’est la couleur que l’on y voit, et qui nous ouvre à un univers d’incertitudes.

« J’avais, encore étudiant, pris quelques notes que je comprenais mal (je suis resté longtemps dans leur mouvance) :

« la couleur n’existe que dans ses rapports, dans ses échos. Établir des correspondances entre des essaims de couleurs. Mimétisme d’un papillon de nuit sur l’écorce d’un arbre, d’une alouette dans un labour. À quels mystérieux appels obéissent-ils ? Savoir cela ou être peintre. »

J’avais trouvé un début de réponse dans la musique (au moins la possibilité de garder intacte la question). Un accord (dans l’instant), une mélodie (dans la durée) sont l’exemple de totalités originales qui ne sont pas de simples sommes.
Dans le visible, le passage du simple au complexe résiste à l’analyse, ne se résout pas en quantité. Je vois des formes différentes, des qualités irréductibles, un bois ici, une rangée d’arbres là. Ce sont les mêmes quantités (pour le nombre, imperturbable), mais leur vue ne se laisse pas réduire.
De même nous percevons immédiatement les totalités modifiées. Je sens, je sais sans avoir à l’analyser, à décompter, que quelque chose manque à la chambre ou au paysage de mes habitudes. Comme si le visible lui-même était une composition d’accords, un enchaînement de mélodies.

Telles étaient mes ruminations. Je pensais flou mais je cultivais mon insatisfaction avec l’espoir d’arriver à quelque chose de plus substantiel quand je reçus un mot de F.C. Elle décrivait le sentiment que lui inspirait un de mes tableaux et pour l’expliquer, citait un passage du livre de Nicolas de Cues qu’elle avait traduit :

« …comme si quelqu’un entendait un très grand cri poussé par une très grande multitude d’hommes mais dont il ignorait que ce cri a été poussé par une multitude, il est évident que dans ce cri qu’il entend, il y a le cri particulier et séparé de chaque homme, mais qu’en l’entendant il n’en évalue aucunement le nombre puisqu’il n’y a qu’un seul cri, n’ayant aucun moyen d’en atteindre le nombre. Ou bien, si dans une pièce de nombreuses bougies sont allumées et que la pièce est illuminée par toutes, la lumière de chaque bougie est distincte de la lumière d’une autre. Et l’on fait l’expérience quand on les emporte une à une du fait que l’illumination diminue à mesure que chaque bougie emporte sa propre lumière ».
 

Elle ajoutait :

« J’ai repensé à ce passage en écoutant ce matin à la radio une symphonie d’A.Bruckner dirigée par S. Celibidache, par moment on entendait véritablement qu’une seule voix formée de toutes celles des instruments. De même les innombrables touches de tes tableaux, pour participer au rayonnement de l’ensemble ne perdent rien de leur singularité ». »


 
Publications de Jean-Louis Bentajou :
Peindre. Éditions Ombres. 1998.
Les couleurs. Éditions Ombres. 1999
La Main réfractaire. L’escampette. 2004
• Jaunes, rouges, etc. Ombres blanches. 2011
Le Bleu des lointains. L’atelier contemporain. 2017
Carnet des couleurs oisives. J.-L. B. 2019
 


« Vus de loin, les tableaux de Jean-Louis Bentajou se donnent pour des monochromes et la référence à ce grand mouvement né au xxe siècle avec Malévitch pour culminer, chez Rheinhardt, Ryman ou même Soulages pourrait nous rassurer. On pourrait ainsi classer cette peinture dans un cadre historique et esthétique. Car ce n’est pas une mince affaire et cette référence au monochrome par les questions qu’elle pose : fin de la peinture comme telle, ouverture sur l’infini, expérience intérieure, irradiation, avènement du visible situerait déjà ce travail à un niveau d’exigence où ont culminé des
peintres aussi considérables que Rothko ou même Yves Klein. »

Marc Belit

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