« Pratique le non-agir,
fais le non-faire,
goûte le sans-saveur,
considère le petit comme le grand
et le peu comme beaucoup.
Attaque une difficulté
dans ses éléments faciles,
accomplis une grande œuvre
par de menus actes.
La chose la plus difficile au monde
se réduit finalement à des éléments faciles.
L’œuvre la plus grandiose s’accomplit nécessairement par de menus actes. »
Lao Tseu, Tao-tö king, traduction de Liou Kia-Hway, chez Gallimard.
Confinés, c’est en restant chez soi, c’est en n’effectuant pas nos tâches habituelles que nous permettons l’interruption de la circulation et de la diffusion du virus du covid-19. En ce sens, cette cessation d’activité pour la plupart d’entres nous est d’une évidente efficience, d’une salutaire efficacité. D’où sa nécessité. S’il peut paraître étrange et paradoxal qu’une absence d’action, qu’un acte négligeable, puisse avoir un effet réel et positif, la pensée chinoise l’a néanmoins envisagé depuis longtemps à travers la notion pratique de wu wei qui signifie « non-agir ».
Et si Lao Tseu et Tchouang Tseu, ainsi que toute une tradition ultérieure ne semblent pas avoir examiné une situation telle que nous la vivons aujourd’hui, ils ont pour autant considéré le fait de ne pas agir, de ne pas être utile, d’être insignifiant comme étant riche de ressources insoupçonnées : le grand arbre noueux au bord du chemin ne pourra pas faire de planches ni même du bois de chauffage, mais, par cela même, il pourra prodiguer de l’ombre en été et servir d’abri, de même que c’est par le vide en elle que la cruche ou tout autre récipient peut recueillir le liquide qu’elle pourra ensuite reverser. C’est, en effet, une grande leçon qu’il n’est pas de pur néant, que le rien, que le presque rien, le moindre, le nul ou même le vide, le fade et l’obscur peuvent être des ressources et que le retrait, le repos, l’arrêt et l’absence peuvent aussi susciter de nouveaux possibles. Ainsi, la lecture des maîtres taoïstes et d’autres auteurs de cette culture chinoise ou plus largement asiatique qu’ils ont si fortement imprégnée peut être instructive et précieuse en cette période où il nous est impératif de pratiquer le « non-agir ».