Exposition « Huiles sur Pierre »

Exposition «Huiles sur Pierre» des œuvres de Danièle Delbreil au Café mirepoix jusqu’au 30 octobre 2016. 

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«L’homme leur envie la durée, la dureté, l’intransigeance et l’éclat, d’être lisses et impénétrables, et entières même brisées.»

Roger Caillois, Pierres

Face au portrait, au visage immobile, au regard fixe, ou nous sommes happés, ou nous nous détournons. Lorsque la lueur dans les yeux, la courbe des lèvres, nous arrêtent, s’instaure un dialogue imaginaire, dans ce face à face où l’image se fait aussi forte que la chair, dans ce silence où «le sonore s’est déversé dans le visible» (Jean-Christophe Bailly).

img_1206Comme le dit Serge Tisseron: «Regarder un portrait, et plus encore un portrait de face qui nous regarde c’est être forcément confronté au regard que porte sur nous le personnage représenté». Et de fait dans le long face à face de l’élaboration progressive du portrait choisi, à partir de photos, d’êtres connus ou inconnus, j’avoue ce que j’aime à rencontrer dans l’autre: la gravité, l’ironie, le retrait dans un ailleurs qui me restera inaccessible, et l’interrogation insistante qui m’est adressée. Par exemple, je suis partie un jour du dessin inachevé que le peintre Ribera fit de sa fille, un visage sans regard. Dans la réplique que j’en ai tirée j’ai glissé un éclat d’ironie dans ses yeux, comme une tendre vengeance. Ma référence dominante est bien celle des portraits du Fayoum, du 1er siècle de notre ère, dans l’Égypte romaine. Ces portraits sont les premiers à rendre la singularité non idéalisée de sujets. L’art du portrait est en effet lié à la mort, c’est ce qui survivra du défunt. Jean-Christophe Bailly, dans «L’Apostrophe Muette», remarquable essai sur ces portraits, note que «c’est l’absence qui est condition ou occasion de l’acte de figurer».

Je peins sur pierre calcaire. Ce calcaire porte déjà en lui la vie et la mort. La pierre venue de l’histoire géologique, avec ses failles, ses accidents, ses inclusions visibles de coquilles ou de végétaux, enserre la fugacité de l’humain dans un temps vertigineux. img_1207Ce contraste douloureux fait sens pour moi. Les visages se laissent poser sur la pierre avec plus ou moins de réticence ou d’abandon, comme s’il s’agissait d’une inscription mortuaire. Lorsque j’ai exploré ce support inhabituel, j’ai abandonné, au moins provisoirement, des registres divers qui étaient les miens, mises en scène narratives ou oniriques par exemple, comme si la charge temporelle de ce matériau m’appelait à la simplicité et à la gravité, auxquelles nous oblige le visage d’autrui, sa nudité fragile.

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