La répétition d’Eleanor Catton, éditions Denoël (traduit du néo-zélandais par Erika Abrams) et Clèves de Marie Darrieussecq, éditions POL.
Ces deux romans, parus en cette rentrée littéraire, abordent la question de la sexualité des adolescents, ou, plus précisément, des adolescentes. La naissance et la découverte du trouble, les questions (pratiques ou existentielles), le passage à l’acte, les rôles conscient et inconscient joués par les adultes dans cet apprentissage. Si les deux romancières traitent toutes ces dimensions, chacune le fait à sa manière (très factuel chez Darrieussecq, proche d’un journal intime ; plus troublant chez Catton, dans une narration oscillant sans cesse entre la réalité et le fantasme).
La découverte de cette sexualité est emprunte de culpabilité, plus ou moins dévastatrice. Le poids de l’éducation, de la religion, l’incapacité et le malaise des adultes à aborder le sujet avec leurs enfants sont les éléments les plus présents. Au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture des deux romans, nous sommes obligés de nous avouer qu’en devenant adulte, nous avons pris grand soin d’oublier toutes ces douleurs et ces angoisses que nous avons toutes (et tous) connues. L’une des grandes qualités de ces deux livres est de nous faire revivre ces douloureux moments à travers une cuisante (re)prise de conscience.
Est abordé également le rapport des mineures aux adultes, et la question de la responsabilité de ces derniers dans l’éveil sexuel des premières. Là encore, les deux traitements sont différents, mais font naître le même doute : sommes-nous si certains de savoir dans quel sens s’exerce la domination (s’il y a en une) ? La réponse est bien plus troublante qu’on ne le voudrait (et l’on a envie de renvoyer à la lecture des textes de Tony Duvert, qui nous dérangent précisément parce qu’ils parlent du désir sexuel des enfants).
Le plus souvent, ce sont des garçons qui sont les héros des romans de formation sensuelle, et rarement des filles. L’éducation, le poids social font si bien culpabiliser les femmes de leur désir, qu’elles-mêmes préfèrent oublier ces épisodes de leur jeunesse. Voici deux romans qui changent cet état de fait, et, par leur talent, les deux romancières transcendent le sujet, et l’ouvre sur une problématique qui concerne tous les sexes : comment se construit-on ?
La répétition – Eleanor Catton – Denoël, 2011 – 22€