12 – Croire aux fauves

Devant les barreaux-frontières de mon balcon, je pense aux barreaux de la fenêtre du rez-de-chaussée de ma vieille maison ariégeoise. Ils y étaient et ils y restent, plus qu’une décoration sur la façade rénovée, ces barreaux. Ils nous protègent de la forêt aux bêtes sauvages, du visible et de l’invisible, la nuit. Ils agissent. Une quarantaine d’ours, peut-être, si proches de nous, si silencieux pourtant. L’ours s’approchera quoi qu’il en soit quand Nastassja Martin y pensera. Et sans aller si loin que le Kamtchatka, l’ours fait déjà fi de l’homme, cruel près des bergers sur le piémont, bruns dans nos rêves enfantins, il reste cet autre qui nous ressemble, animal-frontière, limite à ne pas dépasser. De l’ours, il importe de ne jamais croiser le regard, car en nous il déteste se voir ; médusé alors, l’effroi de l’humain lui sauterait-il aux yeux ?

Nastassja Martin, Croire aux fauves, Verticales, 9782072849787

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