La faiblesse du vrai

« Qui a une idée vraie, en même temps sait qu’il a une idée vraie, et ne peut douter de la vérité de la chose. » Éthique, II, prop. XLIII.
Si, comme l’affirme Spinoza, le vrai se révèle lui-même comme tel en une éblouissante et irréfutable clarté, force est néanmoins de constater que sa lueur semble considérablement pâlir à l’heure des fake news et autres alternative facts où le réel lui-même et les discours s’indexant sur lui ne parviennent plus à remporter l’adhésion. Pourtant, est-ce bien nouveau? Platon à la fin du mythe de la caverne n’avait-il pas averti que celui qui aurait réussi à voir le vrai soleil, la réalité véritable, certes d’abord ébloui par l’éclat splendide de l’astre, aurait toutes les peines du monde à convaincre ses camarades restés parmi les ombres qu’il est, qu’il existe une plus substantielle lumière?
De même, le procès de Socrate et sa condamnation à mort ne témoignent-ils pas aussi, de manière exemplaire, du défaut de coïncidence entre l’aspiration à la vie vraie et l’espace public ?

Ainsi, c’est une bonne chose, comme le développe Myriam Renault d’Allones dans son ouvrage La faiblesse du vrai paru au Seuil, de revenir à la manière dont la notion de vérité s’est élaborée chez Platon et Aristote, d’envisager la façon dont cette notion s’articule avec la notion de politique, mais aussi avec l’opinion, notamment dans la pensée de Machiavel, d’interroger en contrepoint le mensonge et les ressources de la fiction avec Michel Foucault et Hannah Arendt. Car, si la vérité a paradoxalement toujours été difficile à promouvoir, n’est-il pas urgent de s’interroger, aujourd’hui, où nous sommes les témoins, les acteurs et les victimes d’un afflux inédit d’informations et de discours en tous genres, sur la signification de la faible audience et du moindre impact du vrai? Aussi, et peut-être surtout, vers où, vers quel chemin cela peut-il bien nous mener?

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