Pourquoi l’inscription des archives du Père Castor au Patrimoine mondial de l’Unesco est une très bonne nouvelle

Les archives du Père Castor, collection d’albums destinée aux enfants dans laquelle ont été publiés La Petite Poule rousse, Roule Galette ou encore Boucle d’or, viennent d’intégrer le registre Mémoire du monde de l’Unesco. Un programme recensant les trésors documentaires du monde entier, qui accueille ainsi, aux côtés du texte de l’Appel du 18 juin, des films des frères Lumière, de la tapisserie de Bayeux ou encore de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ces récits traduits dans quarante langues et lus par des millions de jeunes à travers le monde.

Roule galette, l’un des titres emblématiques de la collection du Père Castor. Une galette s’ennuie à refroidir, se laisse glisser de la fenêtre et s’enfuie sur le chemin. Elle roule, elle roule, bat la campagne, chantonne, et échappe successivement à la convoitise d’un lapin, d’un ours, d’un loup. Mais quand le malin renard l’attire, que va t-elle devenir ?


« Les Archives du Père Castor, méthodiquement constituées par Paul Faucher, fondateur du Père Castor, et rassemblées jusqu’à sa mort en 1967, comprennent des documents relatifs à ses début en tant que libraire à Flammarion (1921) mais surtout des documents relatifs à la conception, à la fabrication et à la diffusion de la collection « Les albums du Père Castor » (1931-1967). Ce corpus, constitué de formes et supports très variés (notes, correspondances, illustrations, imprimés, enregistrements, photographies, dessins…), regroupe des matériaux de réflexion pédagogiques qui ont abouti progressivement à la création concertée, collaborative, mais fortement structurée et réfléchie, de ce que l’on connaît mieux sous le nom d’« album du Père Castor ». Ces livres de jeunesse auxquels créateurs russes, allemand, polonais, tchèques, hollandais, suédois, belges et français ont collaboré, sont aujourd’hui considérés comme des classiques de la littérature enfantine, traduits dans une vingtaine de langues. Ces ouvrages ainsi que les jeux éducatifs conçus par l’Atelier du Père Castor, ont rendu efficients et accessibles au plus grand nombre, les acquis théoriques des pédagogues du mouvement de l’Education Nouvelle. »

Michka, le petit ours en peluche, quitte sa maison d’Elisabeth, et s’en va tout seul dans la forêt. Quelle joie de retrouver la liberté et de rencontrer le Renne de Noël ! Mais, en ce soir si particulier, chacun doit faire une bonne action, et Michka aura un bel élan de générosité…

C’est ainsi que le site de l’Unesco décrit l’argument qui a prévalu à ce choix de valoriser le patrimoine du Père Castor.

Si c’est une bonne nouvelle, ce n’est pas seulement , comme on a pu le lire ici ou là, parce que des millions d’enfants ont lu ces albums (que je sache des millions d’enfants hélas ont lu les albums de la série Martine et n’ont eu accès, par là même, qu’à des conventions et des platitudes !).

Non, c’est une bonne nouvelle parce qu’il s’agit bien de la reconnaissance accordée à la littérature pour la jeunesse, à son intelligence, à son fondement intellectuel et artistique , à son ouverture au monde, et d’une manière qui soit accessible à toutes et tous.

Il s’agit bien avant tout de la reconnaissance accordée à un homme, Paul Faucher, qui a su mettre à la disposition du plus grand nombre des albums novateurs et dépouillés de la morale religieuse habituelle alors dans les livres destinés à « instruire et divertir » ; des albums modestes, loin des livres luxueux réservés jusque-là à une élite . Et pourtant ce sont des albums dans lesquels s’exprime de façon évidente un nouveau rapport entre le texte et l’image, qui ne soit pas redondant, et qui fasse appel à l’intelligence des lectrices et lecteurs. (Macao et Cosmage de Eddy Legrand avait ouvert la voie, au début du siècle, mais restait une exception…et un album de luxe ) .

Imprégné de la réflexion menée par l’Éducation Nouvelle et les nombreux et actifs pédagogues de ce temps-là, Paul Faucher considère l’on pouvait – et donc que l’on devait – s’adresser aux enfants autrement que par des histoires moralisatrices ; que l’illustration ­devait être aussi riche et soignée que les textes ; que les travaux manuels de type coloriage, découpage et pliage participaient à la construction des ­savoirs…

Pour illustrer et raconter ses livres, il va chercher le meilleur, et les institutrices et instituteurs vont très vite comprendre la force de ces outils magnifiques. Le succès sera immédiat et les réimpressions vont se succéder, pour le bonheur de tous.

L’histoire est très bien racontée dans ce podcast de « la Fabrique de l’Histoire », sur France Culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-l-histoire/pere-castor-8-generations-de-lecteurs-depuis-que-paul-faucher

La libraire que je suis depuis presque quarante ans sait l’importance actuelle de ces livres et de ce travail incessant pour la diffusion de textes, d’images et de pensée. Et si, aujourd’hui, on a tendance à ne citer que Michka, La petite poule rousse, etc, pour évoquer le Père Castor, j’ai pour ma part, un souvenir ému et reconnaissant pour la série « La vie des bêtes » et celle des « Enfants du monde » , documentaires sous forme de récits, magnifiquement illustrés, et dans lesquels le voyage vers la connaissance s’ouvrait de façon si aisée… Par ailleurs, si Les bons amis et Le pain des autres ont acquis aujourd’hui un coté indéniablement désuet, ils n’en restent pas moins une évidente référence aux valeurs de fraternité , l’un des piliers de notre République, et dont on a tant besoin de rappeler la nécessité aujourd’hui.

Bien sûr, d’autres éditrices et éditeurs offrent aujourd’hui de très beaux et bons livres dans cette veine humaniste, avec des contes, des histoires des documents fabuleux. Il serait impossible à quiconque de dresser une liste exhaustive, tant cette évidence prévaut pour nombre d’entre eux. Mais le Père Castor reste le premier à avoir ouvert ce champ magnifique et la reconnaissance qui lui est accordée par l’Unesco me paraît légitime et me réjouit.

Retrouver l’ensemble des livres de Père Castor sur Ombres-blanches.fr
Françoise Guiseppin, 11 février 2018

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