« Des Jacobins »
Un regard sur l’exposition Le Ciel devant soi par Christian Thorel
Où que l’on soit dans la ville rose et orangée, des Jacobins de Toulouse, on ne cesse de se casser le regard dans la volée de creux et de voûtes d’un clocher devenu un des symboles de la ville. Sous la montée au ciel de l’assemblage de briques, il y a la façade que l’on ne voit pas, bordant la cour du lycée, dans une semi-clandestinité. Contre le cloître, le réfectoire a cessé de rassembler les dominicains pour leurs repas silencieux. La méditation s’y pratique dans le cadre d’expositions, dont il faut dire que nous les aimerions plus nombreuses, tant elles offrent de très beaux moments et de découvertes.
Entre juin et septembre, nous y trouverons des photographies d’édifices religieux européens, proposées par Christian Bernard (directeur du Printemps de Septembre), et choisies parmi les travaux de huit artistes allemand, autrichien, américain, suisse et français.
Nous voici au cœur d’églises, de cathédrales, de basiliques, écrites et édifiées entre les 13ème et 20ème siècles, à coup de pierres calcaires ou volcaniques, de marbres ou de granites, et récemment, de bétons. L’accueil de l’exposition est celui du photographe Fabrice Fouillet, un très grand de la photo d’architecture. Une vingtaine de chœurs d’immenses églises de béton, sous forme d’inventaire apparemment froid et répétitif, vient solliciter le regard et ébrécher les certitudes. Ici, à chaque image, une certaine nudité, le gris du matériau, la hauteur, vertigineuse, interrogent. Un détour par des intérieurs baroques et rococo, où l’œil se perd dans les volutes des anges, photographiés en Espagne et tirés en très grand format par Cyril Porchet, et nous retrouvons l’espace de la méditation, dépouillé, presque zen, pris par l’objectif près du sol comme un espace japonais par Christof Klute. Ici, les traces lentes, infimes, de la présence des fidèles, ou des religieux, produit une émotion distillée par le calme des lieux. C’est en suivant que nous trouvons les extérieurs, la monumentalité. Dans des tirages aux couleurs mates de petit format, Eric Tabuchi propose une série de seize églises de Lorraine, construites en béton sur les ruines de villages détruits par la « dernière » guerre. De leur originalité, leur taille, leur singularité, leur côté fané, surgit une émotion que seule l’histoire des hommes et leur tragédie savent produire.
Après l’ensemble de chœurs de Fabrice Fouillet, où la nef est si emblématique qu’on la croirait pourvue d’une abside seule, d’un arrière sans avant, nous voici dans la contemplation de nombreuses façades connues ou très connues d’églises italiennes, allemandes, autrichiennes, et françaises. Les images de Markus Brunetti, impressionnantes de beauté hiératique veulent en donner les visages les plus expressifs, car les plus authentiques, et surtout les plus inconcevables. Cette série ne se raconte pas, elle clôture (ou presque) l’exposition des huit artistes choisis pas Christian Bernard pour nous raconter Le Ciel devant soi.
Une exposition aux Jacobins jusqu’au 15 septembre. Une rencontre avec Christian Bernard sera proposée à Ombres Blanches le vendredi 15 septembre prochain autour du catalogue de cette exposition.