Un passé qui ne passe toujours pas?

La guerre d’Algérie, longtemps occultée dans la mémoire française, apparaît aujourd’hui plus clairement dans le champ de la littérature et dans celui des sciences humaines, plus particulièrement en cette rentrée 2009 qui voit paraître des romans mais aussi un nombre non négligeable d’essais sur “la guerre sans nom”.
Longtemps la production d’essais fut moindre sur ce qui restait alors des évènements et non pas une guerre en Algérie. Puis vint le temps de la mémoire, des célébrations, comme une brèche ouverte. En 1991, paraît un livre qui devait faire date dans l’historiographie de la guerre d’Algérie. Ce fut La gangrène et l’oubli de Benjamin Stora qui mit en avant le refoulement de la mémoire par l’histoire nationale des deux côtés de la méditerrannée. Aujourd’hui la mémoire remonte et la guerre d’Algerie a pris place dans le champ littéraire et des sciences humaines. Stora a lui aussi continué de travailler. En cette rentrée 2009 paraît en Pluriel, Les immigrés algeriens en France une histoire politique 1912-1962, mais aussi un inédit de Stora.
Dans son livre, Le mystère de Gaulle son choix pour l’Algérie, Stora met l’accent sur ce qu’il considère comme un tournant définitif dans le conflit : le discours télévisé de De Gaulle le 16 septembre 1958 où pour la première fois est prononcé le mot d’autodétermination. L’auteur s’est livré a un travail colossal d’analyse des sources, trés nombreuses, souvent contradictoires pour tenter de mettre au jour les raisons qui ont poussé De Gaulle a prononcer ces paroles, tentant à chaque fois de discerner la part des circonstances et celle des intentions. Il met en perspective les évenements politiques, sociaux et culturels de la période. Il fait le point sur l’entourage du président sur les mois, les semaines et même les minutes qui ont précédé une intervention télévisée claire et sans faux pas, mais aussi sur les conséquences de ce disours les espoirs et les questions qu’il a suscité, le tournant définitif qu’il a constitué ouvrant la voie à l’indépendance.
Le livre de Catherine Simon Algérie les années pieds rouges est consacré aux années qui ont suivi l’indépendance. Une fois celle-ci déclarée nombreux sont les français à vouloir participer a cette aventure nouvelle. Alors que 4 français sur 5, les “pieds-noirs” quittent l’Algérie durant l’été 1958, les “pieds-rouges” arrivent. Ils forment “une nébuleuse inédite, sorte de pieds-noirs à l’envers, ramant a contre courant de l’opinion francaise dominante de l’époque . Ces jeunes anticolonialistes ont tous le coeur à gauche. Mais leur engagement va au-delà (…) ils se veulent partant pour l’Algerie du bon côté du monde”. La journaliste a reccueilli leur témoignage, elle met en avant leur engagement , les raisons de ce choix lourd, grisant et radical qui les poussent a quitter la France pour devenir instituteurs, journalistes, éducateurs… Mais elle fait aussi le point sur leurs désillusions, des premiers faux-semblants comme l’attribution des “biens vacants” laissés par les pieds noirs a ce qui constitue déjà une bourgeoisie montante, aux assassinats de pieds-noirs qu’on “descend à la cave”, les harkis qui sont tués, le désenchantement qui vient aprés l’euphorie. On notera les outils qui permettent de mieux s’orienter : un index et des repères biographiques fort utiles. C. Simon réalise ici une étude bien menée documentée et importante sur les premiers balbutiements d’une nation pleine d’espoir, d’idéaux et de volonté.
Le temps de l’histoire vient -il aprés celui de la mémoire ?

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