Bientôt la rentrée littéraire… Ces quelques Achab

En 2007, le réalisateur Philippe Ramos sortait un film rare et poétique, Capitaine Achab, où il réinventait l’histoire du capitaine du Pequod imaginé par Herman Melville avec Dominique Blanc dans le rôle de l’épouse d’Achab, Denis Lavant en Achab tel qu’en lui-même, Jacques Bonnaffé en Starbuck, Jean-Francois Stévenin en père d’Achab. Librement inspiré de Moby Dick, le film de Ramos construit une biographie fictive du célèbre capitaine baleinier (habité par la folie de Moby Dick), de l’enfance à l’assaut final. Les décors naturels sont beaux. Les paysages français, de la vallée de l’Ubaye (c’est sûr) et peut-être de la Creuse (je n’en suis pas sûr) et les paysages suédois se transforment en espaces nord-américains transcendants et mythiques, sans aucun doute égaux à ceux de la Nouvelle Angleterre de Nathanaël Hawthorne. Ces géographies croisées créent une très belle poésie de l’enfance d’Achab, assez rimbaldienne. C’est un film de peintre car Ramos filme comme un peintre et c’est aussi un film assez expérimental qui pourrait satisfaire ceux qui aiment les tentatives d’essais. Et des essais cinématographiques de Ramos aux Essais fragiles d’aplomb de Pierres Senges (Collection Minimales, Éditions Verticales), la transition, très bancale, est faite.
Car c’est bien de lui, Pierre Senges, que je veux vous parler et vous annoncer la parution du prochain livre en septembre avec pour titre, Achab (séquelles). C’est la joie. Pour moi, qui aime la littérature baleinière, pour moi qui aime les livres de commentaires, les livres digressifs, le commentaire du commentaire de la vie du capitaine Achab par Pierre Senges, c’est la joie. Peut-être que les romans de Pierre Senges vous sont inconnus. Qu’importe, nous les avons tous et vous pouvez venir les consulter. Comment dire Pierre Senges. C’est un écrivain à l’écriture rapide, précise, inventive dans la forme et érudite dans le fond. C’est un écrivain souple dans ses jeux de mots et dans ses jeux d’esprit aux fonds insondables. Et les fonds sont multiples autant que les savoirs sont encyclopédiques. Dans la Réfutation Majeure, c’est la géographie et les rois catholiques espagnols ; dans Essais fragile d’aplomb, ce sont les fous volants qui défient la gravité et s’écrasent (d’où la citation que l’on attribue à Borges d’apprendre à chuter vers le haut) ; dans Les fragments de Lichtenberg, c’est la littérature et ses histoires inconnues. Bref, et pour en revenir à nos baleines, dans son dernier livre Achab (séquelles), l’écrivain imagine que le célèbre capitaine Achab se convainc qu’il peut y avoir une autre vie après le harponnage de Moby Dick (contrairement aux présupposés largement répandus comme quoi il se serait lié à Moby Dick à la vie à la mort) et envisage la vie en ville. Et donc, Achab à New York, cireur de pompes, liftier, se promenant, clopin-clopant sur Broadway, se prétendant acteur shakespearien, (La Tempête, On coule, on coule) et l’hypothèse savoureuse d’Achab à Hollywood avec Orson Welles et Billy Wilder, et que dire de Scott Fitzgerald… Pour le reste, et, bien qu’une table des matières guide le lecteur dans ses commentaires, il reste difficile d’en dire plus, par décence et par respect pour le livre. Bien, il sort en septembre, peut-être même fin août, aux Éditions Verticales, comme à peu près l’ensemble de ce qu’on pourrait appeler une œuvre : Achab (séquelles), ces quelques Achab, comme pour nous faire croire qu’il serait peut-être, encore, des nôtres.
Depuis quelques mois, il y a à la librairie une petite sélection de livres qui gravitent autour de la littérature baleinière. En autres livres, le livre étonnant de Jeremiah N. Reynolds, Mocha Dick aux éditions du Sonneur ; le livre de Pino Caccuci, Ce que savent les baleines chez Bourgois ; Sepulveda ; Baleine de Paul Gadenne, Jean Grosjean…..Et le Pourquoi le chant des baleines de Nicolas Cavaillès (si cela vous intéresse, vous trouverez une petite note de lecture sur le site de la librairie), Nicolas Cavaillès qui sera à Ombres Blanches le 1er septembre.
A la librairie, on travaille aussi l’esprit encyclopédique. Bientôt, sur un morceau de table, Borges, Robert Burton, Buffon, Georg Christoph Lichtenberg, Thomas Browne et Thomas De Quincey, Laurence Sterne…..et notre contemporain Pierre Senges se serreront les coudes.
Bonnes lectures.
Achab (séquelles)Achab (séquelles) – Pierre Senges – Gallimard, 2015

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