6 – Notes de ma cabane de moine

Les sons, les bruits, leurs absences ont une incidence ; plaisirs sensibles, douleurs plausibles, ils corroborent nos humeurs et dissipent nos attentions. Plus silencieuse, mais pas silencieuse, car nous avons bien besoin de paroles et discussions mêlées pour vivre cette retraite forcée, notre expérience commune s’accompagne aujourd’hui d’un monde sonore différent. Cette modification, poussée à son excès, Kamo No Chômei, la relate dans ces notes. Sa tentative radicale de s’échapper au bout du monde pour mieux s’abstraire du bruit du monde est un acte de résonance d’abord. Disparaître et laisser venir. Ce qui résonne en soi, le bzzz de l’abeille trop près de l’oreille tranquille, le jase du merle amoureux, le bavardage de la pie en colère, le souffle élargi du vent qui ouvre le poumon. De ma cabane de moine ou de mon appartement citadin, de bruissements en bruitages, je ferme les yeux et j’entends.

Kamo no chômeiNotes de ma cabane de moine – ed. Le bruit du temps.

5 – Tout est métamorphose


Si l’histoire et la philosophie nous apprend que tout est métamorphose, les passereaux, pigeons et canards, rendus plus libres et détendus par les fermetures des parcs et jardins, nous rappellent qu’ils furent le modèle de quelques moralistes inspirés, qui dans des langues et des époques différentes interrogèrent nos comportements. Qu’aurait fait Renard pour sortir du confinement ? Que nous enseignent l’aigle, l’âne ou le lion ? C’est un carnaval des animaux que proposent ces historiettes qui s’adaptent à toute réalité, aussi changeante soit-t-elle. Et vous ? Etes vous Corneille, Cerf, Grenouille ou Belette ?
Esope, Fables.

4 – L’homme qui marche

Dans ce périmètre carré toulousain, l’homme qui marche n’a jamais été aussi visible. Un par un, un, puis un, il laissera traîner les distances. L’observation est nette. Le mouvement se décompose. Car l’on ne sort plus pour attraper un bus, un métro, un rendez-vous mais bien pour marchotter. La nature vive de l’homme qui court se repose aujourd’hui en l’homme qui marche. Le grand sculpteur, lui, aurait peut-être aimé et pu le saisir enfin cet Homme qui marche, combler cette insatisfaction qui le poussait à retrancher de la matière. Ses personnages, devenus fils, assistent à leur propre érosion mais y découvrent aussi une force étrange qui les fait tenir debout. A leur façon, ici et là, nos marcheurs répétés fabriqueront leur ritournelle pour ne pas se lasser de ces noms de rues, à prendre à l’endroit, à l’envers, yeux fermés, oreilles bouchées.

Alberto Giacometti, Ecrits, Ed. Hermann.

3 – Là-bas, août est un mois d’automne


Un petit bout de jardin.
Un petit bout de terrasse.
Un banc sur un balcon.
Des semis de tomates à regarder pousser.
Le linge qui sèche doucement.
C’est la pause.
La tasse de thé qu’on remplit remplit remplit.
Ce texte de Bruno Pellegrino, Là-bas, août est un mois d’automne, est une invitation au chez soi, aux sens de la maison, à la vie lente pour aboutir à une observation très fine et très belle du quotidien. Nous y sommes dans ces limites cantonnées du chez soi. N’est-ce pas l’occasion d’en saisir toutes les précisions ?

2 – Le Bondivore Géant

Pas après pas, au moment où on découvre le monde debout, où un escalier est une montagne, où une pince à linge devient un étrange scarabée, où on prépare la fête d’anniversaire de l’amie imaginaire Angélique, la puissance d’imagination des enfants nous bluffe, nous, adultes qui sommes sous l’emprise du monde. On lira ou on relira avec eux, nos enfants, l’histoire du Bondivore Géant et autres épreuves d’imagination.

Journal du confinement 1 – Qui se souvient de Semmelweis ?


Qui se souvient de Semmelweis ?
Au détour d’une discussion confinée, lavage de mains après lavage de mains, on se met à parler de ce texte halluciné du Docteur Destouches, alias Louis-Ferdinand Celine. Philippe Ignace Semmelweis, autre médecin, obstétricien hongrois du XIX siècle, est devenu à moitié fou pour avoir découvert cette folie : que virus et bactéries se baladaient de mains en mains, de médecins en patients, il faudra du temps encore pour que l’hygiène s’impose dans nos hôpitaux à qui nous rendons aujourd’hui le plus grand des hommages. Pensées pour ceux qui y bossent à ce jour et demain.