L’Homme qui aimait les îles, D.H. Lawrence

L’Arbre Vengeur a publié au mois d’avril L’Homme qui aimait les îles, œuvre de D.H. Lawrence écrite en 1926, quatre ans avant la mort de l’écrivain qui en parlait lui-même comme l’une de ses nouvelles préférées (Lawrence en a pourtant écrit beaucoup, qui reparaissent ces temps-ci aux éditions Le Bruit du temps, regroupées en plusieurs volumes par ordre chronologique et dans une traduction conforme à l’édition de Cambridge assurée par Marc Amfreville.

 » L’Homme qui aimait les îles raconte le parcours de Cathcart, personnage désireux de s’isoler sur une île pour y trouver le bonheur et s’y créer les conditions idéales d’une vie parfaite, mais qui, sans cesse déçu, déménage systématiquement dans une île voisine toujours plus petite. Le livre se découpe non pas en chapitres mais en îles, trois précisément, sur lesquelles notre insulaire fonde d’abord une communauté (plusieurs maisons, plusieurs foyers, plusieurs métiers) dont il est le maître, avant que ses hôtes ne se lassent de cette vie et se disputent entre eux ; avant de célébrer sur l’île voisine une sorte de mariage avec Flora, une jeune femme qu’il n’aime pas réellement mais qui tombe enceinte de lui, Cathcart préférant malgré tout se consacrer à l’écriture d’un livre sur les oiseaux ; et enfin, sur une dernière île minuscule, Cathcart finit par trouver la solitude totale, l’indifférence à tout, une sorte de vide parfait.
On sent bien la désillusion de Lawrence qui a tenté toute sa vie de voyager, d’habiter dans tous les coins du monde (il faut lire, toujours aux éditions Le Bruit du temps, deux de ses récits de voyage récemment publiés : Croquis Étrusques et Matins Mexicains), de toutes les façons possibles (y compris, comme son personnage, sur des îles) pour trouver le bonheur, mais qui n’y est jamais parvenu et qui suite à ces échappatoires manquées a voulu créer des communautés d’amis, tentative qui s’est également soldée par un échec, puis qui a fini par s’en remettre à une forme de misanthropie, dégoûté en outre des Hommes (et tout particulièrement du genre masculin) par la première guerre mondiale (omniprésente dans ses écrits et entre autres dans son roman le plus célèbre, L’Amant de Lady Chatterley). Si au début de la nouvelle l’on ne sait pas immédiatement où va bien pouvoir nous emmener l’écrivain avec ce récit tranquille de la vie en communauté, des difficultés d’argent de l’insulaire, et les descriptions sereines de paysages, de fleurs et d’oiseaux, on commence à le deviner quand la pagaille s’installe dans le groupe et quand Cathcart s’expatrie sur l’île voisine plus étroite.
Le personnage tente d’écrire mais n’y parvient pas et sa relation avec Flora ne le satisfait pas, Lawrence replaçant avec philosophie ses notions très chères de volonté mécanique et d’automatisme sexuel, opposées à un authentique désir naturel. Peu à peu le personnage commence à se désintéresser de tout, il quitte l’île et la société pour se retrouver sur un bout de caillou sans relief, vivant dans une simple cabane où il n’écrit plus, ne fait même strictement rien, se rend malade dès qu’il aperçoit une voile qui pourrait signifier la venue d’étrangers, est à deux doigts de défaillir quand il croit voir des silhouettes humaines dans une baie, à demi soulagé lorsqu’il comprend qu’il ne s’agit que de phoques (encore que même les animaux le révulsent, comme les moutons qu’il chasse, incapable de supporter plus longtemps le plus banal bruit commis par une espèce vivante). L’île devient pur îlot mental, le lieu du repli définitif sur soi, du rejet de la société et de l’abandon au rien. Et la fin du texte est sublime quand la neige engloutit la mer et quand le vent enveloppe l’insulaire. Cathcart décide de la fin du monde, le monde comme société des hommes s’entend, et trouve refuge en lui-même, refuge bien précaire, aussi salutaire que funeste. Une œuvre plutôt désenchantée donc, qui peut être lue de bien des façons mais qui recèle quoi qu’il en soit une grande beauté. » Rémi Gonzalez

 
 
 
 
 
L’Homme qui aimait les îles,  D. H. Lawrence
L’Arbre Vengeur – 9.00 €
 
 

1 réflexion sur « L’Homme qui aimait les îles, D.H. Lawrence »

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