Une année en haut : chroniques d’un refuge ordinaire – Cyril Azouvi

Il y a des lieux, comme les gens, on sait qu’ils ont une âme.

Situé dans les Pyrénées, le Refuge des Oulettes possède un co-locataire pas comme les autres : le Vignemale.

Point culminant des Pyrénées françaises, certains bravent la frontière espagnole pour venir le voir, d’autres tombent nez à nez sur lui au détour d’une balade, d’autres ignorent jusqu’à son existence.

Refuge des Oulettes, bonjour….

-Bonjour, je voudrais réserver pour trois personnes. Il y a des douches ?

– Ah ! Non madame, juste des lavabos. Ce n’est pas un hôtel ici.

– Pas de douches ? Mais alors, pour se laver, on fait comment ?

– Madame, vous venez pour vous laver ou pour voir le Vignemale ?

-Le Vignemale ? C’est quoi ? ”

Sous forme de petites chroniques, Une année en haut nous donne un aperçu de la vie du refuge, son organisation (imaginaire pour les clients, mais bien réelle pour ceux qui y travaillent !),  mais aussi et surtout l’implication des gardiens.

Loin d’être un simple métier, gardien de refuge est lié à une passion : la montagne. Le climat et le confort y sont arides et les saisons voient fluctuer, tour à tour, la solitude de l’hiver à la foule de l’été.

Tel un phare, au milieu de cet environnement rocheux, le refuge est un abri et un repère. Il guide les randonneurs et les protège le temps de quelques heures.

Malheureusement nous vivons dans une société dans laquelle on considère souvent que beaucoup de choses nous sont acquises. Une société où l’on s’étonne de ne pas trouver de douche dans un refuge et où on s’offusque à l’idée de ne pas pouvoir prendre un chocolat chaud quand on en a envie à plus de 2000m d’altitude. Et plutôt que de critiquer et de manquer de respect, nous devrions nous émerveiller du simple fait que, tel un village gaulois, il existe encore un lieu, perdu au milieu de nulle part, qui nous héberge et nous nourrit au détour d’une balade ou d’une randonnée.

Être gardien de refuge n’est pas un travail comme les autres ni de tout repos. Une bonne dose d’huile de coude et une pincée d’humour sont indispensables au métier.

L’une des fenêtres du bâtiment s’ouvre alors à la volée : Boris apparaît et, comme pris d’une crise de folie, lance à la cantonnade :” Les propriétaires de la Fiat Panda garée au milieu du parking sont priés de l’enlever pour laisser la place à la course de marmottes!”. Hilare, il referme aussitôt la fenêtre. Médusés, les randonneurs assis aux tables de la terrasse se lancent des regards incrédules : Ah bon, il y aurait un parking ? Mais où est la route ? On aurait donc pu monter en voiture?  Une course de marmottes?  Est-ce bien sérieux ?”

Pourtant l’humour ne bascule jamais dans la moquerie car au refuge, c’est tous pour un et un pour tous. Tels des mousquetaires, ils sont prêts à braver les intempéries et c’est à leurs risques et périls qu’ils partent à la rencontre de randonneurs imprudents.

Une fois ce livre terminé, on a une envie : aller voir en vrai ce refuge et espérer qu’il y ait encore dans quelques années des gens aussi passionnés qui vous accueillent au détour d’une balade.

« Moi, guide ? Jamais je ne pourrais faire payer les gens pour aller en montagne. La montagne est trop sacrée pour être monnayée. Ça ne m’empêche pas d’être très ami avec certains guides et de respecter leur travail. Mais c’est une des choses que je reproche aux enseignants de la formation : j’ai peur qu’ils inculquent aux diplômés des notions de propriété et d’exploitation commerciale. La montagne n’est pas un endroit où on fait du fric. Elle appartient à tout le monde, ou à personne. Pas à moi en tout cas. Pas plus que ce refuge, d’ailleurs. Je ne suis qu’un mandataire. Ici, je ne me sens pas plus chez moi que les gens qui viennent y passer une nuit. »

Une année en haut. Chroniques d’un refuge ordinaire – Cyril Azouvi – Editions    Glénat  – 15,95€

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