Kyoto Limited Express – Olivier Adam & Arnaud Auzouy

Certains endroits sont irréductibles à leur propre cliché. Si l’on me parle du Japon, je pense à Ozu, à Mizoguchi, au zen, aux érables en fleurs, aux Geishas et au Mont Fuji…

Pourtant toutes ces magnifiques images que l’on trouve dans les livres deviennent, pour ma part, classiques. Les décors reviennent sans cesse et finalement lassent l’imagination.

Kyoto limited express inclut ce cliché, mais le dépasse.

Dans ce texte inédit Olivier Adam raconte le retour à Kyoto de Simon Steiner. Ce dernier y a vécu quelques années plus tôt avec sa femme Marie et sa fille Chloé. A présent plus rien n’est pareil : ses deux femmes ne font plus partie de sa vie, la première l’a quitté, la seconde a disparu « avec ses quatre ans pour toujours ».

Ce livre est une correspondance. A chaque page écrite par Olivier Adam correspond des photographies d’Arnaud Auzouy. Pourquoi une telle association? Le texte, puissant et beau, fait sens  en lui-même. Les photographies, quant à elles, ont chacune une originalité et une vérité qui les rendent indépendantes de tout.

Ce n’est pas la première fois que deux artistes s’associent. En ce qui concerne le voyage, je pense notamment à Nicolas Bouvier et Thierry Vernet, compères de toujours, écrivant et illustrant L’usage du monde. Cette association n’est ni complémentaire ni réitérante. Cela me ferait plutôt penser à ce qu’écrivait Roland Barthes dans L’empire des signes :   » Le texte ne “commente” pas les images. Les images “n’illustrent” pas le texte : chacune a été seulement pour moi le départ d’une sorte de vacillement visuel, analogue peut-être à cette perte de sens que le zen appelle un satori ; textes et images, dans leurs entrelacs, veulent assurer la circulation, l’échange de ces signifiants : le corps, le visage, l’écriture et y lire le recul des signes. »

Ce livre est un pèlerinage dans le passé. La vie de Simon Steiner a été ébranlée, désorganisée tandis que la ville de Kyoto, avec ses temples, ses ruelles… semble immuable.

“Ici rien n’avait changé, la texture de l’air, l’inclinaison du soleil, le rythme des jours. Mais de nous rien ne subsistait.”

L’écriture est simple mais puissante, fluide mais envoûtante. Ce n’est pas sans rappeler, à certains moments, l’écriture de Marguerite Duras où chaque mot semble avoir son importance, semble peser. Les silences sont aussi importants que les mots. Le vide aussi important que le plein, la mort que la vie.

Les photographies me touchent beaucoup. Elles ont une personnalité et un regard qui leur sont propres. Il y a une simplicité et une retenue dans la prise de vue qui semble à la fois montrer un instant, principe même de l’acte photographique, et à la fois une durée. Ces images me font penser  à un plan fixe de cinéma mais dont l’imagination serait le moteur de la caméra.

Dans un plan fixe, au cinéma, la caméra tourne mais montre un seul point de vue. Le son est présent. Tout y est vivant, on entend le vent souffler, les voitures rouler, les gens parler. Dans ces photos, le point de vue est de la même manière, bien sûr fixe, mais  le vivant est laissé à l’imagination.

Un petit livre pour une grande œuvre.
Kyoto Limited Express – Olivier Adam & Arnaud Auzouy – Points – 8€

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