Tokyo sisters de Julie Rovéro-Carrez et Raphaëlle Choël

Deux parisiennes vivant à Tokyo nous livrent un regard forcément décalé sur une société complètement engagée dans la modernité mais qui ne veut renoncer ni à ses traditions ni à son histoire.
Raphaëlle Choël et Julie Rovéro-Carrez ont rencontré des centaines de japonaises entre 15 et 60 ans, mariées ou célibataires, femmes au foyers ou businesswomen, mères ou non. Elles nous dressent ici le portrait d’une cinquantaine d’entre elles, des portraits attachants et humains remplis de détails parfois drôles ou touchants. Il n’est pas question pour les auteurs de faire de l’ethnologie. Elles sont juste allées à la rencontre de l’autre avec leur regard forcément décalé d’européennes, souvent saisies par ce qui paraît être une perpétuelle contradiction, une société en oxymore, car c’est bel et bien le paradoxe qui caractérise le mieux la condition des femmes dans cette société en pleine mutation.
Le paradoxe est déjà financier. La plupart des Tokyoïtes sont prêtes à économiser des mois, certaines jeunes femmes se prostitueraient même, afin de pouvoir s’offrir un sac à main d’une marque luxueuse. Mais il s’exprime aussi par rapport au corps. Si le sexe est omniprésent à travers les mangas ou bien les jeux vidéos il reste tabou au sein du couple. Ainsi à Tokyo un couple marié sur trois ne fait plus l’amour.
Ce sont cependant les paradoxes par rapport à la maternité qui sont les plus étonnants. Au Japon, le travail est souvent un domaine très investi. Beaucoup de femmes y commencent une carrière brillante et prometteuse mais il est très difficile de concilier maternité et vie professionnelle. Du coup, 70% des Tokyoïtes s’arrêtent de travailler une fois devenues mères, quand d ‘autres, moins nombreuses, refusent d’abandonner leur travail et renoncent carrément à la maternité pour se faire embaucher par des sociétés, généralement étrangères, qui acceptent de confier des postes à responsabilité aux femmes.
A la lecture de Tokyo sisters, on a finalement l’impression que dans ce Japon nouveau, en perpétuel changement, les règles du jeu entre les hommes et les femmes changent doucement. Ce sont les femmes qui chaque jour, avec une main de fer dans un gant de velours, créent pour elles une place nouvelle.
Article publié dans la revue Page, n°140 octobre 2010.


Tokyo sisters, dans l’intimité des femmes japonaises – Julie Rovéro-Carrez et Raphaëlle Choël –
Éditions Autrement, 17€.

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